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 [Flash-Back]Le prix de la Victoire

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[Flash-Back]Le prix de la Victoire Vide
MessageSujet: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyDim 19 Jan - 16:24

Certains en sont morts
Leanore Blacksand & Zatanah Keywell
Printemps - Soirée - Pluvieux - 2255

La Tournée. Elle fut une plaie peu commune. Elle fut terrible, désastreuse et ce fut avec son arrivée que je réalisai que les choses avaient changé. Avant, ou du moins avant l’année maudite 2255, je me savais solitaire. Je savais que si les gens m’évitaient, c’était parce qu’ils me trouvaient étrange, perdue, folle. Je savais que je me coupais moi-même des gens dès que je les recouvrais de couleurs. Puis cette année terrible a passé, et tout a changé. Cette année a été une période de transition douloureuse, violente, arbitraire et cruelle. Je ne reviendrais pas là-dessus,  j’ai assez vu ce songe qui a tourné en boucle jusqu’à la Moisson.
Justement, la Moisson, celle-ci me coupa du monde. Je n’avais même plus conscience d’être ailleurs, d’être enfermée dans ma tête, je savais juste que j’étais vivante mais que les Parques étiolaient le fil de ma vie avec un plaisir sadique. Je savais juste que je voulais vivre, follement, égoïstement, même si ma vie n’apportait rien au monde, même si personne ne m’attendait à la maison pour retrouver une vie normale. Je voulais vivre, je devais vivre. Je me fichais bien de savoir si les autres avaient de meilleurs raisons, je me fichais de savoir que certains sont morts à cause de cette décision. Je savais juste que j’étais la plus décidée, celle qui était prête à tout, celle qui se fichait de tout. Celle qui est devenue folle, à moins qu’elle ne le fût déjà avant ?
C’est ce qu’on me dit, du moins. Quand mon esprit doux revint, on me montra des images sanglantes que je ne reconnaissais pas. On me disait que c’était l’arène, que j’y avais passé plusieurs semaines, que j’y avais tué et que j’avais survécu. Je ne reconnaissais rien, je ne me souvenais pas. Avec le retour de mon esprit rêveur, j’avais oublié, effacé, arraché de ma mémoire ces instants-là.  Je savais juste que j’étais encore en vie, et que je le resterais encore. C’était tout ce que j’avais besoin de savoir.  Je pensais que les choses allaient revenir à la norme, que j’allais rentrer chez moi, retrouver Drys, ma sœur, que j’allais continuer ma rêverie à tout jamais maintenant que tous les malheurs m’avaient tuée avant que je ne me relève, brisée. Mais non.
La Tournée marqua cette rupture, c’est elle qui me montra que rien ne serait plus comme avant, que tout avait déjà été détruit de trop nombreuses fois.
Avec les semaines passées à ramener mon esprit, ils avaient eu le temps, déjà, d’organiser ma Tournée. Je remis à peine les pieds chez moi qu’ils m’emmenaient faire le tour des districts. J’avais à peine vu Drys, je ne savais pas encore ce qui m’attendait avec lui. Je ne pouvais pas me douter ce qui allait se produire, je ne le pouvais pas.
Il y avait encore du mépris dans le regard de certains pendant mes passages, ce mépris là je le connaissais, il finissait presque par être un ami toujours présent. Mais moins. Un peu d’admiration, mais rare, seulement chez les gens du Capitole. On m’adressait maintenant des sourires crispés avant de partir vite. D’habitude, si les gens partaient devant moi, c’est parce qu’ils m’ignoraient, là j’avais l’impression qu’ils m’évitaient. Les organisateurs, notamment mon styliste et mon préparateur attitrés, étaient distants avec moi. Avant les Jeux, je ne parlais pas, mais ils m’adressaient des sourires de pitié et causaient, même si c’était dans le vent. Là, alors que je les regardais, alors que je parlais un peu, ils ne me répondaient pas. Ils hochaient gravement la tête, faisaient leur devoir avec précision, donnaient des ordres simples et claires puis partaient en me laissant seule. Mon mentor me serra fort dans ses bras une fois en glissant un « Je suis désolé », mais ce fut tout.
J’avais vu certains retours de Vainqueurs, j’avais vu certaines Tournée en état lucide certains années précédentes. On agissait plus chaleureusement avec les Vainqueurs, je crois ? Oh, là aussi on me félicitait, mais de loin, sans me toucher, sans me prendre les mains ou me donner de grandes claques dans le dos. On me brossait dans le sens du poil comme pour ne jamais me contrarier. J’ai même fait un test dans le train qui m’emmenait au District 10 : J’avais réclamé des figues, tant bien même ce n’était pas la saison. Puis j’avais fait semblant de regarder dehors, perdue dans ma rêverie, tout en écoutant les conversations : Mon préparateur faisait de grands gestes au reste de l’équipe en sommant d’aller voir les cuisiniers. Ils s'agitèrent ainsi pendant deux heures. Le soir même, j’avais des figues. On me présenta le panier de fruits découpés avec un grand sourire nerveux. J’en saisi une et mordit dedans, l’instant d’après j’entendais les soupirs de soulagement de l’équipe. Intéressant… Puis je me reperdit dans des couleurs, parce que je refusais encore d’admettre que les gens me fuyaient. Ils avaient peur de moi, ils ont encore peur de moi. Terriblement. Ils préféreraient me savoir morte, surtout dans mon district, plutôt que devoir craindre mes crises…

J’étais en train de monter sur une estrade, encore une. Je faisais face à une foule compacte qui n’osait pas affronter mes yeux. J’avais un papier à la main, mon préparateur était non loin et un service de sécurité fait de Pacificateurs m’entourait. Ils étaient plus nombreux que les années précédentes, j’avais l’impression. Je me demande encore si c’était car la Résistance devenait plus pressante, ou s’ils étaient là pour protéger les gens de moi. Je baissai les yeux sur ma feuille, elle était presque vide. Ca avait été pareil pour les deux districts précédents : je crois que, de toute manière, je n’avais pipé mot au district 11.

- Bonjour, soufflai-je dans le micro.

Je crois que je n’ai rien dit de plus ce jour-là. Je me contentai d’observer la foule du coin de l’œil. Les deux photos des tributs morts de ces districts étaient affichées de part et d’autre de la place. En dessous, des gens mal à l’aise sur des estrades. Un des visages en photo me rappelait quelque chose de plus qu’un simple concurrent, mais c’était trop flou. J’ai tourné les talons. Sans un mot de plus.
Et puis ca me revint. Le tribut du district 10. Une séance d’entrainement. Un énième moment où j’étais restée obstinément muette, mais où quelque chose m’avait touchée. Une aide, un sourire, des mots conciliants. Puis des talons qui font demi-tours devant mon indifférence.
Je me retournai vers la foule encore un instant, vers l’estrade sous le portrait. Une seule personne. La tête basse, les épaules lasses, une infinie tristesse.
Mais elle était seule sur son estrade. Seule, et elle le restera comme l’indiquait clairement l’immense image qui trônait derrière elle. Abandonnée.
Je rentrai finalement dans la Mairie. Je me tournai vers mon préparateur. Je lui demandai si je pouvais parler aux familles des tributs. Il pâlit, me promit une réponse rapide et s’agita, encore plus que pour les fruits du train.  Il revint quelques instants plus tard et acquiesça gravement, sans un mot. Sans doute avaient-ils trop peur que je reparte en crise et ne fasse annuler le reste de leur chère Tournée si bien orchestrée. Enfin, sur le moment, je ne le savais pas, je profitais juste de la situation.
Je vis d’abord la famille du tribut fille. J’étais assise, droite et immobile, sur un canapé, eux en face. Je les ai regardés, scrutés pendant un moment. Ils n’osaient pas me regarder dans les yeux, ils essayèrent de parler, un peu. Je ne leur ai rien dit, je m’en fichais, je ne savais même plus qui était la fille/sœur qu’ils avaient perdu. Je ne sais toujours pas si c’est moi qui l’ai tué. Au bout d’un moment, après les nombreux coups d’œil mi-haineux mi-terrifiés qu’ils se sont échangés, l’un a demandé, d’une toute petite voix soumise et mielleuse, s’ils pouvaient s’en aller pour panser leur chagrin. Du moins, il essaya de rajouter ce reste de phrase mais on lui donna un coup de coude paniqué avant. Puis ils partirent avec quelques remerciements pincés, mais dès qu’ils arrivèrent dans le couleir je vis leurs visages se transformer en rictus de colère, de mépris, de haine. Ca m’avait presque manqué. Mais ce sont eux qui m’ont fait comprendre que les gens avaient peur de moi. Un nouveau tesson se brisa dans mon être.
Il n'y avait que deux Pacificateurs dans la salle qui me jetaient de fréquents coups d’œil. J'étais persuadée que mon Mentor et mon préparateur trainaient, nerveux, non loin de là.
Puis vint au tour de la jeune femme solitaire. Elle devait avoir mon âge, peut-être moins.

- Il s’appelait Anaël. Et il était différent.

En réalité, moi-même je ne savais pas trop ce que je faisais. Je sentais juste que j’avais envie d’avoir une conversation avec elle. Parce qu’elle semblait abattue, parce qu’il avait été prévenant, parce que les autres avaient peur de moi et que je voulais que ca s’arrête. Vite.


Dernière édition par Zatanah L. Keywell le Ven 16 Mai - 21:47, édité 1 fois
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Leanore Blacksand
Leanore Blacksand
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Localisation : Paris
★ Âge : 21 ans.
☆ Surnom : Lea
★ Occupation : chasse - vétérinaire
☆District : dix

○ Points : 860
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MessageSujet: Re: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyMar 21 Jan - 10:14

C'est l'été. Nous courons dans un champ de fleurs Anaël et moi. Je cours de toutes mes forces pour le rattraper, mais il reste toujours devant moi. Il se retourne, me sourit et me fait signe de le rejoindre. Mais mes pieds sont lourds comme du plomb, je ne parviens pas à avancer, je lutte, je m'épuise. Et je le vois qui s'éloigne, toujours souriant, tandis que je m'écroule dans l'herbe. Et le ciel et les fleurs deviennent noirs...

Ce rêve, je faisais chaque nuit depuis qu'Isur était venu m'annoncer la mort d'Anaël. Il était venu me retrouver dans le champ où je cachais Kantar et s'était assis dans l'herbe à coté de moi, sans dire un mot. A quoi bon ? Je savais pourqoi il était là.
Je n'ai rien dit, je n'ai pas versé une larme, je me suis juste allongé dans l'herbe. Je restais là toute la nuit sans bouger. Lorsque le soleil se leva, je me décidais à retourner au village. Je remarquais alors qu'Isur était parti. La tête dans le coton, je me dirigeais en titubant vers la maison d'Isur. Dans la brume qui m'entourait, je vis un attroupement autour de la grange où était stocké le fourrage. Je crois qu'une partie de moi même savait ce que j'allais voir avant que je ne passe le seuil de la grange. De fait, je ne vis qu'une ombre se balancer lentement dans la pénombre, avant que des bras ne m'attrapent et me m'entrainent vers la maison. Et puis ce fut le trou noir.

Lorsque je revins à moi, j'étais seule dans la maison, allongée sur mon lit. Seule. Seule. Ce mot tournait comme une chauve-souris prise au piège dans ma tête. J'étais seule et je le resterais toute ma vie... Je n'avais plus personne sur qui compter, plus personne avec qui discuter, avec qui écouter les oiseaux chanter...
Des jours, des semaines, des mois peut être s'écoulèrent sans que je sorte du brouillard. J'errais dans le vilage sans but, je ne mangeais presque rien, tout m'était indifférent. Je suppose que les clients d'Isur étaient allé voir d'autres vétérinaires, car je n'avais même plus la force de travailler.

Un jour, en rentrant à la maison, je fus surprise d'y trouver le maire assis sur une chaise. Il triturait son chapeau et n'osait pas me regarder dans les yeux

-Leanore, la Tournée de la victoire approche et...enfin... La famille de chaque tribut doit être présente sur l'estrade.... Et... En ce qui concerne Anaël...eh bien... Tu es la seule famille qu'il lui reste... Alors, il faudra que tu sois présente.

Il détala de la maison sans attendre ma réponse, comme s'il avait peur que je ne lui jette quelque chose à la tête. Il avait tort, je me moquais complétement de la Tournée de la victoire et du vainqueur. Je ne savais pas qui c'était, et ça ne m'interessais pas. Plus rien n'avait d'importance.
Je vis les préparatifs de la Tournée au travers d'une brume opaque. Il me semblait que je flottais très haut dans les nuages, et que je voyais les gens du district s'agiter comme des fourmis tout en bas.

Et puis le train de la Tournée finit par arriver, vomissant son lot de pacificateurs, de préparateurs, d'officiels du Capitole et le Vainqueur. Quant à moi, on m'avais placé sur l'estrade un peu avant, juste en dessous d'un portrait géant d'Anaël. Je gardais la tête baissée de peur de voir son portrait. Je ne pensais pas pouvoir le supporter. Je restais donc perdue dans mes pensées, indifférente à ce qui m'entourait. Une vague rumeur me parvint, ce devait être le Vainqueur qui arrivait sur l'estrade.

- Bonjour,...

Le ton de la voix me fis redresser la tête. Et je la vis pour la première fois, celle qui avait gagné les Jeux cette année. Un animal blessé, aux abois, voilà ce que j'ai vu à cet instant. Et dans un éclair, je compris comment cette frêle jeune femme avait pu gagner les jeux et pourquoi les gens du Capitole et les pacificateurs semblaient vouloir se tenir le plus éloigné d'elle possible.

J'avais souvent accompagné Anaël dans la forêt lorsque des personnes lui avaient signalé une bête blessée et j'admirais sa manière d'approcher ces animaux sans peur. Une bête sauvage blessée avait toujours des réactions imprévisibles et pouvait se montrer d'une force et d'une férocité incroyable, quelque soit sa taille, si elle se sentait menacée. Mais Anaël avait un don pour les approcher, en leur parlant doucement, jusqu'à ce qu'elles se calment. Moi, je le regardais faire, à la fois terrifiée et admirative, à demi cachée derrière un arbre.

La jeune fille en face de moi avait la même attitude qu'un chevreuil ou un sanglier blessé, les mouvements rapides des yeux, tout le corps tendu, prête à bondir, prête à s'enfuir. Comme une bête traquée, elle attaquerait avec férocité quiquonque lui semblerait menaçant. La regardant, plantée devant son micro, se balançant, perdue, devant son micro, je me disais qu'Anaël pourrait surement lui parler et l'aider, avant de réaliser qu'il était mort dans l'arène où elle avait triomphé. Baissant de nouveau les yeux, je laissais mon esprit dériver dans les nuages pour échapper à la douleur qui me broyait le coeur.
Anaël...

Au bout d'un moment, je sentis qu'on me tirais par la bras, je levais les yeux vers un pacificateur qui me montrait du doigt la mairie

- Zatannah Kewell veut vous rencontrer.

Je hochais la tête et le suivis à l'intérieur de la mairie. Je croisais en chemin la famille de Maya, tous tremblants de colère, de chagrin, et de peur aussi. Je le ressentais distinctement ici, tous, membres du Capitole comme habitants du district dix, avaient peur de Zatannah. Moi, je n'avais pas peur, car j'étais maintenant persuadée que, si Anaël avait tenté de se lier avec un autre tribut dans l'arène, c'avait été avec elle. J'avais l'impression qu'il existait un lien étrange entre nous, un lien que personne d'autre ne pourrait jamais comprendre.

Je rentrais dans la salle et m'assis en face d'elle. Sa tristesse faisait écho à la mienne. A la réflexion, elle était peut être même plus à plaindre que moi. Depuis combien de temps n'était elle entourée que de gens qui ne souhaitaient que la fuir ? Retrouverait-elle quelqu'un qui l'aimait et saurait l'aider lorsqu'elle rentrerait dans son district ?
Je voulais lui parler, mais je ne savais pas comment commencer. Alors, je pris mon souffle et lui dit :

- il s'appelait Anaël. Et il était différent.

Je la vis lever la tête et me regader droit dans les yeux. Je lui rendis son regard et lui demandais :

- Lui as-tu parlé ?
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MessageSujet: Re: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyVen 24 Jan - 23:09

Apprendre à parler

Elle rentra, s'assit. Elle avait l'air aussi perdu que moi, seule et abandonnée.
*Je ne l'ai pas tué, n'est-ce pas ?*
C'est la première pensée qui résonna dans ma tête après que j’eus parlé. Je ne croyais pas... Je m'en serais souvenue, non ?
Étrange différence qui se dessina ensuite : Moi, qui n'avais dans ma vie que la survie, ma première pensée fut la mort ; Elle, pour qui la mort était désormais ancrée dans son quotidien, ne s'intéressa qu'à la vie, aux actes pensant, aux actes faits par une âme encore brulante d'une feu vivant.

- Lui as-tu parlé ?

Quelqu'un de normal en aurait ri tant c'est cocasse de me poser cette question, à moi qui n'avais pas articulé un mot durant le séjour au Capitole. Évidemment, elle n'en savait sans doute rien, certains pensaient -et pensent encore- que je m'avais donner un air innocent, perdu, neutre et inoffensif pour qu'on ne me prenne pas au sérieux. Pour qu'on ne se méfie pas. Pour que je puisse déchainer ma violence destructrice plus tard. Comme si tout avait été un calcul minutieusement orchestré dans ma tête pour le plus grand plaisir du Capitole. Du moins, ce sont les commentaires que j'ai entendus pendant le "bilan" de ma Victoire, quelques semaines après celle-ci.Sur le coup, je n'avais pas compris, maintenant ca me laisse encore un goût amer dans la bouche. Le temps que je retourne à un état présentable, ils avaient déjà visionné tous mes faits et gestes depuis le début de la Moisson. Ils avaient scruté mes réactions, ils les avaient mises en analyse et en avait tirés des conclusions qu'ils avaient exposés le temps qu'ils puissent me présenter. Il fallait bien meubler, il fallait bien créer une image à laquelle les fanatiques se raccrocherait et que les districts auront tout le loisir de juger. Ils ne comprennent vraiment rien mis à part ce qu'on leur montre. Combien d'autres vainqueurs ou personnes exposées d'un manière ou d'une autre à leurs feux artificiels ont subi cette retransmission contrôlée d'image que l'on a façonné pour convenir aux besoins du Capitole ?

- Techniquement, non, finis-je par souffler. Mais lui, oui. Il m'a parlé. Il a été un des rares à me parler. Et pas pour me mépriser, pas comme si je n'étais pas là, non, il m'a demandé...

Je détournai mes yeux des siens que je n'avais quitté jusqu'alors, m'arrêtant un instant. Je tournai la tête et regardai le ciel par la fenêtre. J'essayais de me souvenir, mais quelque chose me retint, un nouveau mur, comme les milliers d'autres qui se dressent dans mon esprit, enferment des choses dont je me cache. Ces choses que j'ai toujours fuies... C'est mon instinct qui me préserve depuis toujours en bâtissant ces murs, ce même instinct qui m'a sauvé dans l'arène et a fait qu'en ce jour de Tournée des Vainqueurs c'est moi, et pas Anaël, qui se trouvais en face de cette jeune femme.  Alors je refusai ce dernier mur, je le cassai malgré tout, je n'avais pas envie d'être enfermée, pas ce jour là. Et tant pis si en abattant ce mur-là, une brèche se formait vers des choses que je n'avais pas envie de connaître en étant lucide.

- Il m'a demandé comment j'allais, comment je me sentais, si j'avais peur. Il m'a parlé gentiment, comme pour que je me réveille.

Nouvelle pause. Je la laissai digérer, et je pris mon temps. Pas que rien ne pressait, parce que j'imaginais bien qu'on allait finir par se faire interrompre par des organisateurs qui me trouveraient abusive sur leur planning, mais j'essayais de profiter de cet instant où je me raccrochais à quelque chose que je n'avais plus, un espèce de lien avec autrui. Le problème étant que cette fille devait... Me détester ? Je n'en savais rien. Me craindre ? Elle ne semblait pas dans cette optique pour l'instant, changement agréable. Avoir pitié ? Peut-être. Être indifférente à mes caprices devant l'étendue de son chagrin ? A débattre.

- Je ne lui ai jamais décroché le moindre mot, je crois qu'il a fini par abandonner, mais je ne sais plus au bout de combien de temps.

Je ne savais pas pourquoi je parlais autant, ca m'arrive tellement rarement. C'était comme pour rattraper les semaines, les mois où j'étais restée prostrée dans mon silence. Et ca me donnait aussi l'impression que j'essayais de me racheter auprès d'Anaël lui-même.

- Parles moi de lui.

Je ne me retournai vers elle qu'à ce moment là. Je repliai mes genoux contre moi, ma tête dessus et les pieds sur la banquette. Je fronçai un peu les sourcils, me mordillai la langue. Des couleurs s'installaient autour, dans la pièce. Elles n'avaient pas encore atteint la jeune femme en face de moi. Si elles la recouvraient, je savais que j'aurais perdu ce que j'essayais de faire. Alors je tentai de les effacer, un peu, mais selon l'intérêt des propos, les couleurs auront plus de facilités à s'installer...

[HS : Bon, mauvais réflexe, j'ai tout remis au présent alors que je voulais l'écrire au passé ce Flash back. Du coup je remodifierais demain, ca changera pas le sens, mais je précise pour que ca te dérange pas... Sorry !]
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Leanore Blacksand
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MessageSujet: Re: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyMer 29 Jan - 15:57

J'étais suspendue à son regard et j'attendais... Qu'est ce que j'attendais au juste ? Je n'en savais rien en fait. J'avais l'impression que nous étions toutes les deux à la recherche d'une pensée, d'une pensée à laquelle nous raccrocher pour ne pas sombrer...

- Techniquement, non. Mais lui, oui. Il m'a parlé. Il a été un des rares à me parler. Et pas pour me mépriser, pas comme si je n'étais pas là, non, il m'a demandé... Il m'a demandé comment j'allais, comment je me sentais, si j'avais peur. Il m'a parlé gentiment, comme pour que je me réveille.

Alors il avait vaincu le Capitole. Anaël était resté lui-même dans les Jeux, s'intéressant aux êtres fragiles avant de penser à lui. Il savait qu'il n'avait aucune chance de réchapper à l'arène, et je ne crois pas qu'il l'ait vraiment souhaité de toute manière. Il était incapable de tuer, de faire du mal. Alors il avait fait la seule chose qui avait de l'importance pour lui : essayer d'aider cette jeune fille, avant qu'elle ne rentre dans l'arène, avant que tout espoir ne soit perdu pour elle aussi. Tout comme il était venu vers moi, il y a bien longtemps, parce que je n'avais personne pour s'occuper de moi...
Zatannah regardait par la fenêtre, elle avait de nouveau l'air perdue dans ses pensées. Je ne disais rien, je ne voulais pas la brusquer. Pour elle aussi, c'était un moment important, je sentais qu'elle se débattait avec ses démons intérieurs. Quant à moi, je ne voyais plus les pacificateurs, ni la salle de la mairie, ni le monde dehors, je ne voyais plus que deux jeunes filles perdues qui tentaient désespérément de retenir entre leur doigts des fragments de vie.
Bizarrement, je m'en suis rendue compte bien longtemps après, qu'au moment de notre rencontre, jamais je ne me suis demandé une seule fois si elle avait pu tué Anaël. Parce qu'au fond cela n'avait aucune importance, et cela n'en a toujours aucune aujourd'hui...

- Je ne lui ai jamais décroché le moindre mot, je crois qu'il a fini par abandonner, mais je ne sais plus au bout de combien de temps.


Elle parlait si doucement, un peu hésitante. Cela faisait sans doute longtemps qu'elle s'enfermait dans son esprit, et se coupait du monde extérieur. Mais Anaël, lui, avait réussi à percer un tout petit peu la forteresse qui l'entourait. J'étais sûr qu'il n'avait pas abandonné. Pas Anaël. Il avait juste compris que les paroles n'étaient pas le meilleur moyen d'entrer en contact avec elle. Alors, il avait dû rester à proximité, discret, mais présent au cas où elle aurait eu besoin d'aide. Comme il le faisait auprès des animaux de la forêt blessés.
Je sentais qu'elle avait de plus en plus de mal à rester présente, son regard commençait à devenir flou. Il devait lui être très difficile de se rappeler l'époque des Hunger Games. Cette Tournée de la Victoire devait être un calvaire pour elle...
Mais sa voix devint un peu plus forte, tandis qu'elle me fixa a nouveau en se repliant en position foetale sur le canapé.

- Parles moi de lui.


Que pouvais-je lui dire sur Anaël ? Que nous allions nous marier, qu'il allait devenir vétérinaire ? Ça ne disait pas ce qu'il était vraiment.
Je regardais à mon tour par la fenêtre, et dis :

- Il aimait la neige qui scintillait le matin, l'odeur des prés lorsque le soleil se couche en été, le chant des ruisseaux dans la forêt. Il aimait le bruit du vent dans les feuilles en automne, boire du lait de chèvre tout chaud, il aimait quand son père nous racontait des histoire au coin du feu... il m'aimait...

Ma voie s'éteignit sur ces derniers mots. Je ne savais pas si elle m'avait entendu, elle semblait si loin par moment...

Je me demandais qui, ces derniers mois, s'était soucié de savoir qui elle était réellement, ce qu'elle pensait, ce qu'elle ressentait.
Vainqueur des Hunger Games ? tribut du district huit ? Ces mots n'expliquaient rien, ils ne disaient quelle personne elle était au fond d'elle même.
Alors, je la fixai de nouveau et lui demandais doucement:

- Et toi ? Qu'est ce que tu aimes ?

Peut-être ma question allait-elle la faire se renfermer dans sa coquille, peut-être allais-je rompre le contact, j'en avais bien conscience
Mais je devais lui poser la question, parce qu'il fallait que je la lui pose, parce qu'elle devait l'entendre, au moins une fois, même si elle ne devait jamais répondre...
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[Flash-Back]Le prix de la Victoire Vide
MessageSujet: Re: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyDim 16 Fév - 18:27

La colère

J'esquissai un sourire. Mince et fugace, presque imperceptible. Le premier sourire depuis près d'un an, une longue année à rester prostrée et où même les rêves colorés ne m'avaient arraché un sourire. J'eus l'impression que le monde autour se réchauffait après être resté enfermé dans un froid glacial et silencieux. Mon sang se décida enfin à circuler dans mes veines, plus fortement, plus normalement. Une façon comme une autre de se sentir vivante, et plus seulement survivante. J'ai bien aimé la réponse de la jeune solitaire assise devant moi, ses mots formèrent un dessin brillant, chaleureux, poétique devant mes yeux. Le même jeune homme discret qui m'avait parlé siégeait en son centre, sauf que là il se trouvait souriant, heureux, paisible. Il était entouré de sa neige, de ses prés, de ses ruisseaux et de sa forêt, toute la description s'esquissait doucement, mais finissait par être ancrée dans le tableau avec une précision saisissante. Les détails s'ajoutaient d'eux même et le tout avant un aspect fort et éclatant. Je me perdais dedans un instant, voulant marcher moi aussi aux côtés de la chèvre qui gambadait, moi aussi je voulais que les feuilles orangées se coincent dans mes cheveux. Je ne pense pas que ce jour là j'avais la capacité de ressentir du regret. Le regret de ne pas l'avoir écouté pendant cette période muette, de ne pas l'avoir connu. Mais je ne suis pas douée pour le regret, ca m’emmènerait trop vite à déplorer mon retour. Et ce n'était pas le cas pendant ma Tournée, ca ne l'est toujours pas aujourd'hui et ca ne le sera jamais.
Et puis un mot qui ébranla tout. Les couleurs mouvantes se figèrent soudainement et se mirent à trembler fortement. Ca tressautait, passant du vert au noir, comme un bogue, un défaut des technologies du district trois. Je m'agitai, ma tête se tourna nerveusement vers tous les endroits qu'on pouvait apercevoir de ma place, du paysage effacé derrière la fenêtre, le coin où trônait une plante verte, les murs épurés, la porte entrouverte, le canapé usés où j'étais assise, et celui de celle qui ne me lâchait pas des yeux. Partout le même décors, tout tremblait, le tableau qui dansait quelques instants auparavant avait disparu. Seuls restaient les contours réels des objets, mais ils hésitaient tous entre deux teintes, et pour une fois je ne pouvais choisir laquelle je préférais entre le beige du mur et l'orange que mon esprit lui donnait.
Parce que les mots qu'on prononce n'ont pas de sens la plupart de temps. Ils ne représentent rien sinon un substrat de société, une esquisse de relation qu'on dit humaine, qu'on dit intrinsèque à notre condition. Parait-il que les mots inutiles sont nécessaires, que les phrases ont un sens pour notre cœur, ont un intérêt pour notre vie. La plupart du temps, ce ne sont que des mots qui s'alignent et qui manquent de substance, ils essayent de s'accrocher dans mon esprit, mais finissent par s'éloigner doucement.
Mais ce jour-là, les mots prononcés ont eut un sens qui a tout mis sans dessus dessous. Ce n'était pas le basique et fade "Comment vas-tu ?", ce n'était pas la curiosité malsaine de "Qu'est-ce qui se passe ?", ce n'était pas le nerveux "Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?", ce n'était qu'un simple, pur et gentil :

- Et toi ? Qu'est ce que tu aimes ?

La première pensée qui arriva à s'aligner dans ma tête après mon instant de surprise, les couleurs tremblant toujours, fut que même Drys ne me posait plus cette question depuis très longtemps. Au Capitole, que ce soit avant ou après l'arène, on ne m'avait pas posé cette question non plus. Non, c'étaient des "Es-tu d'accord pour... ?" "Peut-on dire que... ?" et d'autres, toujours précisés, toujours dirigés, toujours téléguidés. Rien qui ne me laissait m'exprimer -dans la mesure où j'aurais pu m'exprimer là-bas-, rien qui ne s'intéressait à ce que j'avais vraiment envie d'exposer.
J'ouvris grand la bouche, avec une folle envie de dire tout, tout et n'importe quoi. Une folle impatience de parler, tout simplement, de parler comme je parle à mes mirages. Mais plus ma bouche s'ouvrait, plus les mots s'en allaient. Encore. Je fermai la bouche. Plus rien. Je ne trouvai plus rien à dire. Je me ratatinai un instant dans mon position fœtale avant de me lever d'un bond. Je donnai un coup de poing sec et violent dans le carreau de la fenêtre qui se fissura. Le choc résonna dans la salle. C'était la rage, la colère, la violence de ceux qui ne savent pas s'exprimer, de ceux qui ne comprennent pas

- Pourquoi ? A quoi ca sert d'aimer quelque chose ? D'aimer quelqu'un ?

Je parlai durement, j'articulai tous mes mots comme des pointes effilés d'armes. Je voulais partir, m'enfermer dans ma maison au district 8, et oublier. Juste oublier que l'on peut vouloir parler pour être, mais que si on n'est pas, on ne peut pas parler. Simplement.
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Leanore Blacksand
Leanore Blacksand
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MessageSujet: Re: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyVen 21 Fév - 9:50

Zatannah avait esquissé un demi sourire lorsque j'avais parlé d'Anaël. Ces quelques mots d'une vie somme toute heureuse avaient dû lui sembler bien doux...
Puis j'avais posé La Question.
Ma question déclencha une tempête d'émotion sur le visage de Zatannah. Je pus y lire de l'étonnement, de la peur, peut-être, très fugacement de la joie aussi, et puis de la colère. Un colère froide et sans doute terrifiante pour quiconque tenait à la vie. N'importe qui se serait sans doute enfuit en la voyant ainsi. Moi, je ne bougeais absolument pas. Je ne tenais plus spécialement à la vie, alors que m'importait si elle me tuait dans une rage destructrice ? Anaël m'avait toujours dit qu'il fallait être prêt à mourir lorsqu'on voulait aider des bêtes sauvages. Prête je l'étais.

Pour la première fois de ma vie, je compris ce qu'il devait ressentir lorsqu'il approchait d'un animal fou de douleur, comment il arrivait à s'oublier pour ne plus penser qu'à l'être en souffrance devant lui. Moi, je me cachais toujours derrière un arbre, pétrifiée de terreur. Mais aujourd'hui, devant cette jeune fille si forte et pourtant si fragile, je ne ressentais pas le besoin de me cacher. Je voulais seulement l'aider...

Zatannah se leva d'un bond et brisa un carreau de fenêtre avec son poing fermé. Ses jointures étaient blanches de colère. Du coin de l’œil, je vis les pacificateurs qui étaient près de la porte se préparer à intervenir. Je fis un discret signe de main pour leur demander de ne pas bouger. Il hésitèrent un moment, puis restèrent à leur place. Après tout, ce n'était pas leur affaire si une habitante d'un district se faisait tuer.

Toujours dominée par le sentiment de colère qui l'habitait, Zatannah cria :

- Pourquoi ? A quoi ça sert d'aimer quelque chose ? D'aimer quelqu'un ?

Pourquoi en effet ? Pourquoi aimer alors que cela causait tant de souffrances ?
Je baissais les yeux pour réfléchir à cette question.
Si je n'avais pas connu Anaël, je ne souffrirais pas de sa mort aujourd'hui, c'est certain. Je me lèverais chaque matin sans ressentir ce poids écrasant dans mon cœur.

Mais... La neige fraîche du matin, le lait de chèvre chaud, le murmure des ruisseaux ne m'évoqueraient rien de spécial. Alors qu'aujourd'hui, marcher dans de la neige fraîche me rappelait immanquablement nos promenades avec Anaël, nos batailles de boules de neige... Et c'étaient de bons souvenirs, emprunts de mélancolie bien sûr, car ils étaient le témoignage d'une époque révolue, mais ils ne broyaient pas le cœur.

Et si on me donnait le choix, je sais bien que je préférais souffrir de la perte d'Anaël que n'avoir jamais vécu tous ces instants de bonheur fugace. Et c'étaient tous ces petits souvenirs insignifiants qui m'avaient toujours empêché de mettre fin à mes jours, car si je disparaissais, ils disparaîtraient avec moi... A chaque fois que je me rappelais d'un de ces moments que nous avions partagés, c'était comme si Anaël se tenait devant et me demander de ne pas abandonner, que la vie valait la peine d'être pleinement vécue.

Et soudain, en même temps qu'une larme roulait le long de ma joue, la première depuis la mort d'Anaël, je sus que j'avais trouvé la réponse à la question de Zatannah.
En tout cas j'avais trouvé ma réponse.
Je levais alors les yeux vers elle et murmurais :

- Aimer, ou avoir aimé, c'est ce qui me permet de continuer à vivre... Et d'espérer...
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MessageSujet: Re: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyMar 18 Mar - 21:21

La Larme


Je ne sentais plus ma main et je perdais la sensation brulante des aiguilles chauffées à blanc au fur et à mesure que le spectre de la douleur se propageait le long de mes nerfs. C'était un anesthésiant qui dominait, qui endormait mes sens, le même anesthésiant qui m'avait enfermé dans une bulle douce et rassurante, une bulle où rien ne pouvait m'atteindre, où la peine n'existait pas. Une bulle, ronde, agréable, chaude, caressante, apaisante, sûre, belle. Une bulle étouffante. Une bulle fausse, mensongère, aveuglante, abêtissante. Celle-ci qui m'avait laissé perdre ce qui pouvait encore me rattacher au monde humain, celle-ci qui, en coupant ces liens infimes, fragiles et cruciaux, avait permis la rage, l'instinct, de contrôler tout. Elle m'avait enfermé si loin qu'une autre instance, plus égoïste, plus agressive, plus animal, avait pris la place jusqu'à un point de non-retour. Mon corps réagissait plus vite que moi, les protections que je maintenais obstinément en place depuis toujours avaient pris le dessus à présent. Depuis quand n’avais-je pas ressenti la douleur, celle que ma main rageuse méritait ? Depuis quand n’avais-je pas ressenti la peine ? Je commençais à me dire que je l’avais toujours ressentie, la peine, la tourmente, la souffrance. Elle est ma plus fidèle amie, parfois plus combattive que d’autres, parfois plus douce aussi. Sans doute est-elle si omniprésente que je ne la ressens même plus, comme si je m’étais habitué à ce qui écrase le cœur et la raison à mesure que son venin s’impose dans ma chair. C’est pour cela que l’anesthésiant est si rapide, si efficace. Il est ma protection, la barrière que je dresse entre moi et le monde, entre moi et le mal. Il essaye seulement de m’être agréable, pour m’épargner des peines trop grandes, pour m’épargner, tout simplement. Et une prison en forme une autre. Et une amie devient poison, et un ami devient raison.
Peut-être serait-il plus simple de couper ces nerfs, ces fils tendus, électrisants, sièges des émotions qui parcouraient mon corps.
Clac. Plus de lien vers ma main dont la douleur endormait mes sens.
Clac. Plus de lien vers ce ventre qui se tort par la peur.
Clac. Plus de lien vers ses poumons qui se compressent et s’étouffent lorsque la solitude refroidi mon être.
Clac. Plus de lien vers le cœur qui est siège de douleur, de tristesse infinie. Qui est siège des émotions.
Peut-être qu’au moins je ne sentirais plus le poison de mes tourmentes, peut-être qu’au moins je n’aurais plus à être enfermée dans une bulle, insensible et froide pour l’éternité. Sauvée de souffrances de Panem.

Une goutte d’eau. Une perle brillante glissa le long de la joue pâle de la jeune femme en face de moi. Mes bras arrêtèrent de trembler de rage. Mon ventre arrêta de se tordre de colère. Ma respiration se fit moins heurtée et éloigna la panique. Mon cœur fit s’enfouir mon venin ami qui tentait de retrouver de sa superbe, sans pour autant m’anesthésier l’esprit.
Les gens criaient, se battaient, tuaient et mourraient. Les gens souffraient, et parfois ils pleuraient. Ca, je le savais. Mais cette unique larme qui se perdit au sol, cette unique larme qui sembla tout à coup si précieuse, celle-ci me fit réaliser que mes yeux étaient secs depuis de longues années. Comme des billes de verre qui regardaient sans voir, qui s’ouvraient sans plaisir, qui ne s’émerveillaient plus, qui ne ressentaient plus. Quand est-ce que ma joie –ou mon chagrin- avaient-ils été assez prenant pour influer sur ces sphères de cristal ? Je ne m’en souvenais plus. Impossible d’en retrouver un seul, un minime. Yeux de glace, cœur de pierre, émotions enfouies qui agonisent sous un océan, sous une bulle épaisse et infranchissable. Voilà ce que j’avais pour vie

- Aimer, ou avoir aimé, c'est ce qui me permet de continuer à vivre... Et d'espérer...

Je fermais les yeux et restais silencieuse un moment. J’entendais la respiration de l’ami d’Anaël. J’entendais des bruits de pas dans le couloir entrouvert et quelques bribes feutrées et très lointaines de conversations, j’entendais l’agitation au dehors de la fenêtre meurtrie. Et de moi ? Rien. Le néant. Comme si je n’existais pas dans cette pièce, comme si je n’y étais même pas vraiment présente. J’eus surtout l’impression d’une brèche qui se formait, pareille à la faille sur le carreau. Une logique que mon instinct refusait d’accepter. Une information qui pourtant se frayait un chemin aussi sûrement qu’un burin et un marteau.
Je savais parfaitement comment continuer à être en vie, mais cela signifiait survivre. Pas vivre. Jamais. Cela signifiait être capable de se lever le matin, être capable de respirer et de faire des choses vitales. Mais en rien cela ne me donnait une raison de me lever, une raison de respirer, une raison d’avancer sinon cette seule animalité et ce seul instinct égoïste ? Cela ne s’appelait pas vivre, du moins je ne crois pas. Elle, l’inconnue calme et sereine sur son fauteuil, elle qui me regardait sans pitié ni mépris, elle qui parlait, aidait, rassurait doucement la bête sauvage que j’étais, elle parlait de vivre, et non de survivre, et je captai directement cette nuance qui peut sembler si infime.
Mais je me rappelai de certaines choses qui ne pouvaient être ignorées. De certains évènements qui ne pouvais continuer de m’aveugler. Des moments avec mes parents, ceux qui ne ressemblaient qu’à des ombres informes depuis un soir terrible où ils se sont écroulés, ces moments où ils me sourient sans que mes couleurs ne les rendent plus beaux. Je me rappelle de ma sœur aussi, avant qu’elle ne se détruise peut-être aussi profondément que moi, quand elle me prenait dans ses bras et dansait doucement, les yeux clos. Et puis des instants plus récents, avec Drys qui me sert contre son cœur, qui chuchote la tête dans mes cheveux, qui me sourit. Surtout ce sourire. Je me souviens que je lui parlais, moi aussi. Que je me sentais bien, en sécurité. Un peu comme dans ma bulle, mais sans y être seule, sans que cette bulle ne soit ancrée dans ma chair, mais qu’elle s’étende autour et qu’elle s’en rende plus belle. Je n’y avais jamais fait attention avant. Ces moments arrivaient, je les vivais et m’en contentais.
Mais maintenant, après cette année noire de survie, je comprenais toute l’étendue de ces mots « je les vivais ». Mais ils n’étaient plus, ne pourraient plus être, parce que j’étais déjà morte deux fois durant cette longue année. Il n’y avait plus rien, rien, qui me pousserait à me lever. Plus rien sinon la rage de la survie. Plus rien.

Alors, comme je n’avais plus de réponse, plus rien à rien, plus rien à faire. Comme je ne voulais pas de la bulle, comme je ne voulais pas du venin mais que l’un comme l’autre restaient encore fixes, j’ai fait la seule chose que je pouvais : j’ai appuyé sur la brèche créée. Un peu au début, et puis plus fort.
Quelque chose a du finir par craquer dans la carapace, car je me suis laissée glisser le long du mur en perdant toutes mes défenses.
Je pleurais.



[Désolée pour l'attente    Funky  J'ai pas encore relu pour les fautes, mais ca je le ferais vite angel ]
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Leanore Blacksand
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MessageSujet: Re: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyLun 5 Mai - 14:12

Zatannah me regardait fixement, sans bouger, et je plongeai dans son regard. Un abîme de souffrance, un abîme tellement profond que j'eu peur de m'y noyer.
Comment n'avait-elle pas complètement sombré dans la folie ?
Pourquoi n'avais-je pas mis fin à mes jours ?
Tant de questions qui n'auraient jamais de réponses...
Mais peut être n'existait-il même pas de réponses...

Un mouvement au fond de la salle m'indiqua que les pacificateurs recommençaient à s'agiter. Cette rencontre s’éternisait et je sentais qu'ils allaient y mettre un terme d'un instant à l'autre. Je m'étonnais déjà qu'ils nous aient laissé parler si longtemps, mais je ne voulais pas que notre entrevue se termine si brusquement.

Je regardais de nouveau Zatannah. Elle n'avait pas bougé, mais je sentais que quelque chose allait se produire. Comme un barrage qui allait se rompre, emportant tout sur son passage. Soudain, alors que cette image s'imposait à mon esprit, Zatannah se laissa glisser le long du mur et se mit à pleurer. Je ne m'attendais pas à cela, voire des larmes couler de ses yeux tellement emplis de colère et de souffrance... Ces larmes allaient-elles pouvoir faire partir toute cette douleur ? J'en doutais, mais elles pouvaient peut être au moins la soulager un peu...

Elle pleurait, pleurait. Je restais un moment sans faire un geste, je voulais lui laisser ce moment où l'esprit lâche prise, où les émotions brutes et basiques reprennent le dessus...

Puis tout doucement, sans faire de mouvement brusque, je me laissais glisser sur le sol à côté d'elle. Je ne disais rien,  d'ailleurs, qu'aurions nous pu nous dire en cet instant précis ?
Je me contentais d'être là, une simple présence amie à ses cotés.

Puis, toujours avec des mouvements très lents, j'approchais ma main de celle de Zatannah et, très doucement, je retirais un morceau de verre qui était resté planté dans sa main, lorsqu'elle avait heurté la vitre puis j'entourais sa main avec mon mouchoir pour lui faire un bandage.

Pourquoi est ce que je faisais ça ? Depuis la mort d'Anaël, j'avais complètement abandonné le cabinet vétérinaire, je n'y trouvais plus d'intérêt.
Mais là, devant cette jeune femme qui pleurait, je retrouvais mes instinct de soigneur.
Après tout, quelles différences y avait-il entre une biche blessée et elle ?

J'entendais les pacificateurs parler près de la porte et je murmurais alors à Zatannah :

- Je ne pense pas que l'on se reverra un jour. Mais je veux que tu sache qu'il y aura toujours quelqu'un au district 10 qui pensera à toi...
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MessageSujet: Re: [Flash-Back]Le prix de la Victoire   [Flash-Back]Le prix de la Victoire EmptyMar 10 Juin - 14:47

La Vie

Je voyais trouble. Plus besoin de couleurs, plus besoin de quoique ce soit alors que je m'abandonnais sur le sol tiède. Ce n'était pas comme quand j'abandonnais ma raison pendant les crises, je voyais plutôt cela comme l'abandon de la force venimeuse qui me maintenait droite et forte depuis trop longtemps sans laisser à mes émotions un instant de répit. Voilà ce que c'était, cet instant : du répit. J'avais l'impression de me dessécher tandis que les larmes coulaient. Mon coeur battait fortement et rapidement dans ma poitrine, et pourtant il ne se serrait pas comme si souvent ses derniers temps, ce n'en était pas douloureux comme si on me pinçait l’organe vital de l'intérieur, mais comme s'il reprenait enfin un peu plus de place et qu'il se décidait à se manifester.
J'ai tressaillis quand j'ai sentis une présence, comme un voile étendu au vent me caresse, près de moi. Mais ce n'était pas agressif, ce n'était pas autoritaire. Ce n'étaient pas des mains qui, même si elles prennent milles précautions, me soulèvent et m'ordonnent. Ce n'était pas un ultimatum pour me plier à la volonté de je ne sais quelle puissant. C'était juste ce voile paisible qui sent la lessive et qui n'est là que pour parfaire une ambiance apaisante. C'était une présence amie et chaleureuse. Une présence qui avait autant de raison que moi d'être dans un état lamentable, de devenir folle et sociopathe. Mais elle n'était que douceur quand elle effleura ma main. Je ne sentais même plus la douleur tant j'étais remplie d'autres sensations bien plus fortes. Mais entre deux larmes, je vis ce qu'elle faisait. Elle me soignait, tout comme ma mère l'avait fait il y a déjà longtemps, comme Drys l'avait fait une fois. Le Capitole aussi l'avait fait, mais pas avec cette douceur, plus avec une froideur pragmatique et professionnelle qui faisait froid dans le dos.
J'aurais voulu agir, faire autre chose qu'être un animal blessé, mais je n'en étais pas capable, je pouvais juste sentir que je n'étais pas que cela, à défaut de pouvoir le montrer.

J'écoutais ses derniers mots qui flottèrent dans l'air un instant avant qu'on ne se raclât la gorge près de la porte. Je me relevai avec difficultés, je crois qu'elle m'aida un peu. J'essuyai mes larmes et le fis avec douceur envers moi-même. J'avançai vers les Pacificateurs et mon organisateur qui se tenaient dans le couloir en me tenant droite et levant la tête. J'étais pleinement consciente, aucun voile devant mes yeux de larmes ou de couleurs. Je crois que c'était la première fois que je les regardais vraiment et je n'eus même pas la pitié de les mépriser, eux qui tremblent quand je m'approche.
Juste avant de dépasser l'embrasure de la porte, je me retournai un dernier instant pour regarder cette inconnue seule dans la pièce. Seule, mais pas désespérée. Seule, mais pas perdue.
Je lui adressai un sourire infime, le plus que j'arrivais à dessiner sur mes lèvres.

- Adieu.... Et merci, j'articulai doucement.

Puis je fus reprise dans un tourbillon d'agitation, repartant bientôt vers un autre district. Je ne savais même pas son nom, mais je connaissais son visage. Je resserrai la main sur le bandage qu'elle m'avait fait. La vie continuait.
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