Si je ne l’avais pas vécu, je n’aurais jamais cru que le temps pouvait changer aussi brutalement, en si peu de temps et avec autant de force. J’ai toujours vécu dans le District 5, et là bas, on a la chance d’avoir un climat particulièrement clément. Peu de pluie, juste ce qui faut en somme, un ensoleillement idéal pour permettre son exploitation via des panneaux solaires... Non franchement c’est idéal. Puis il y a le District 4… Ici, c’est une autre histoire. Ici, le climat est soumis aux règles de l’océan, et au vent qui vient du large. Comment aurais-je pu savoir, moi un pauvre habitant du 5, que le ciel bleu et clair du littoral pouvait se transformer en pluie diluvienne en moins d’une heure ?

Oui, je crois qu’il faut que je vous explique comment je me suis retrouvé aussi loin de chez moi. Hier, mon supérieur m’a pris à part après ma journée de travail et m’a annoncé :

« Allen, t’as quelque chose de particulier de prévu demain ? Parce qu’on a une demande spéciale, d’un client spécial, et personne d’autre n’est disponible. Ça te va ?»

Comme ça de but en blanc. J’aurais peut-être du me méfier, mais moi, avec ma réserve habituelle, qu’est-ce que j’ai répondu ? J’ai répondu « oui bien sûr ». Quelle idée… La demande spéciale, c’était d’étudier le domicile d’une personne et son environnement pour voir si on pouvait installer des panneaux solaires pour alimenter son générateur de secours. Jusque là, tout va bien, l’idée n’est pas saugrenue, et c’est dans mes cordes, même au contraire, j’apprécie beaucoup d’aller sur le terrain. Sauf que « le client spécial », c’était le maire du District 4. Et avant que j’ai pu émettre une petite objection, il ajouta :

« Génial Allen, tu nous sauves la mise ! » s’exclama-t-il en me fourrant mon billet de train dans la main. « Tu verras, l’océan c’est magnifique, et il y a des sacrés paysages là bas !»

Puis il m’a laissé en plan, comme ça, avec mon billet de train et mes instructions. Super. Après de rapides explications à ma famille, j’ai couru prendre le train qui m’emmena droit sur le District 4. C’était la première fois que je sortais du 5, et j’étais partagé entre l’émerveillement face à tous ces paysages que je rencontrais durant le trajet, et l’appréhension d’être jeté ainsi à l’aventure alors que je n’aspirais qu’à une vie calme et bien rangée. Ma foi, ça sera sûrement une expérience enrichissante…

L’air de la côte sentait le sel. C’était agréable, et comme l’avait dit mon supérieur, c’était aussi magnifique. Ma première fois face à l’océan, par une belle journée. Sur le coup, je me suis trouvé chanceux. Balayés les doutes et la fatigue du voyage, place à l’émerveillement. Et bienvenu à Clearwater !

A la sortie du train, j’ai été accueilli par les assistants du maire et conduit sur mon lieu de travail. Le travail en lui-même n’était pas bien compliqué, lais long, beaucoup trop long. La faute aux assistants particulièrement bavards et chaleureusement accueillants, à coup de « Et vous prendrez bien un café ? Ou un thé ? Et ça va vous n’avez pas trop froid, ou trop chaud ? Dites nous sinon on avisera. » ou encore « et ça doit pas être facile comme travail, vous faites ça depuis longtemps ? Ca demande beaucoup d’études ? ». Le cal-vai-re. Pour moi qui suis au contraire réservé, même introverti, faut l’avouer, c’était l’enfer… Sauf que je suis poli, et que je ne sais pas dire non, ni stop…

Lorsque j’eus terminé les mesures et l’étude du terrain, la journée m’avait semblé interminable et le beau ciel bleu avait commencé à se couvrir, et à s’assombrir, la nuit était pas loin et la pluie menaçait. Ils m’ont déposé à la gare en me souhaitant une bonne journée et « à la prochaine fois pour la pose des panneaux ! ». Ah ah ah… Non non si je peux je passe mon tour. C’est à ce moment que je regarde mon billet de train et voit « 18h15 ». Un coup d’œil sur le panneau d’affichage indique « 18h38 ».

- J’ai raté mon train... murmurais-je avec horreur, pour moi même.

Un autre coup d’œil sur un panneau différent m’indiquait que le prochain train dans cette direction était prévu pour 10h21 le lendemain matin. Et alors qu’une chape de plomb me tombait sur l’estomac, un torrent d’eau s’est brusquement déversé du ciel. La pluie. Non, le déluge. Je me suis rapidement retrouvé trempé jusqu’au eaux, en tentant désespéramment de protéger ma mallette de travail et les outils électroniques qu’elle contient. Puisque je suis coincé jusqu’à demain, il va falloir que je trouve un abri pour me protéger de la pluie jusqu’à demain. Avec un lit si possible. Et une douche chaude, le vent mêlé à la pluie me frigorifiait. Mais où trouver ça dans une ville inconnue, sans moyen de communication ?

Autour de moi, la ville semblait déserte. Les habitants devaient avoir l’habitude de ces changements météorologiques et ils avaient certainement prévu le coup et s’étaient abrités. Quelle misère. Résolu à trouver un abri à la Mairie, je commençais le chemin sous la pluie battante. Puis soudain, une silhouette sorti d’un bâtiment assez imposant. Je courrai jusqu’à elle et faisant fi de ma réserve, je l’interpellai :

- E… Excusez-moi ! J’ai raté mon train, vous pouvez me dire où je peux trouver un hôtel, n’importe quoi où je peux passer la nuit ?