Échange professionel

Un jeune adolescent évoluait sur un sentier, qui ne lui était pas familier car situé dans un autre District que le sien : le cinquième, dont les habitants étaient supposés être des experts en électricité. Hyacinthe n’y connaissait pas grand-chose, il n’avait que le simple vernis de connaissance nécessaire pour le développement des technologies, et encore… À son âge il pouvait encore très largement compléter son éventail de compétences.

En cette chaude journée d’été, le jeune Fuchs traçait sa route vers l’endroit que lui avait indiqué un aîné, spécialisé en énergie solaire. Le garçon ne se souvenait même pas de son nom, mais au pire il pourrait toujours lui redemander au besoin, en réalité il n’était même pas certain qu’il lui ait été dit. La chaleur agressait la peau de l’étudiant, mais il résistait stoïquement à cette agression du Soleil, qui serait certainement considérée comme providentiel par l’ingénieur qu’il allait très bientôt rencontrer. Hyacinthe ne regretta pas d’avoir pris un peu d’eau avec lui, dans le cas contraire il n’aurait peut-être pas survécu.

Au fur et à mesure que ses pas réguliers l’approchaient d’une zone plus dense, l’adolescent se sentait de plus en plus étranger, dans un univers qui ne semblait pas tout à fait assimilable au sien, mais pour autant le dépaysement n’était pas total. Difficile de décrire cette sensation. Seize années avaient été nécessaires pour permettre au jeune Fuchs de découvrir comment se présentait ce qui était à l’extérieur de son lieu de vie usuel. C’était déjà moins pire que d’être contraint de quitter son foyer à cause des Jeux. Déjà quatre, cinq moissons évitées ? Le garçon le savait, il était plus proche du début que de la fin dans les bornes d’âges de participation. Seul le futur serait à même de déterminer s’il échapperait pour toujours ou pas à cette malédiction annuelle.

Posant un regard curieux devant lui, le jeune homme détermina qu’il devait être arrivé à destination. Ne restait plus qu’à attendre que l’adulte daigne se manifester, qui ne tarderait pas, s’il était ponctuel.

Échange professionelft. Hyacinthe FUCHS

On m'a souvent dit que j'étais une personne pleine de contradictions. Réservé mais altruiste. Rêveur mais très terre à terre. Ingénieur en énergie solaire mais sensible à la chaleur... Non c'est vrai, le soleil et moi, on est pas vraiment amis, lui me brûle la peau et moi en contrepartie je le fuis autant que possible. Et du soleil, on en manque pas au District 5... Pour autant cette source d'énergie inépuisable me fascine au point d'avoir voulu me spécialiser dedans durant mes études. Je ne regrette pas, c'est un domaine tellement enrichissant et à enrichir. Il y a toujours de nouvelles choses à inventer.

Ce matin là, le soleil était à peine levé que le thermomètre affichait déjà 25°C. Une chaude journée en perspective. On m'avait averti la veille qu'un bloc de panneaux à l'extérieur de la ville donnait des résultats peu satisfaisant, peut-être en raison d'une panne quelconque. On m'envoyait donc effectuer quelques mesures avant de statuer sur la marche à suivre : réparation ou remplacement. On m'a aussi averti que je ne serai pas seul. Un jeune du District 3 avait demandé à rencontrer des professionnels de mon secteur, je ne savais pas bien pourquoi mais toujours était que je me devais de répondre à ses questions. Peut-être se posait-il des questions quant-à son avenir professionnel ?

D'ordinaire réservé, on aurait pu croire que devoir entrer en contact avec un jeune pour lui expliquer mon boulot ne me réjouirait pas, mais détrompez vous. De la même manière qu'on m'avait enseigné, j'avais hâte de pouvoir transmettre à mon tour. Partager ma vision des choses, mes valeurs, ma passion, tout ça, c'était incroyablement excitant pour moi. C'était une première, après tout j'avais été diplômé que peu de temps auparavant. Je voyais ça comme un immense honneur. Toute la nuit j'avais tourné et retourné notre rencontre dans mon esprit, à imaginer ce que je pourrais dire, ou au contraire éluder, au point de peu dormir.

Le terrain n'était pas extrêmement loin, mais je choisis la prudence par cette chaude journée et demandais à me faire conduire sur le lieu de la rencontre. C'était bien plus prudent de ne pas risquer une insolation aussi vite et de devoir bâcler le travail. Une petit quart d'heure plus tard, j'arrivai sur place. Le jeune était déjà présent, mais impossible de savoir s'il était là depuis longtemps ou non. Je sorti de la voiture avec ma mallette et me dirigeai vers lui pour lui tendre la main avec un sourire.

- Tu es le jeune Fuchs dont on m'a demandé de prendre soin ? Je suis Allen Davis, je suis ingénieur en énergie solaire. Aujourd'hui il faut que je m'occupe de tester ces panneaux mais ne t'en fais pas tu ne me gêneras pas. Par conte, est-ce que je peux te demander de me repréciser la raison de ta venue ici ? Je suis pas sûr d'avoir bien compris.

L’attente ne fut pas bien longue, et le silhouette de l’homme du district cinq finit par se découper devant les yeux scrutateurs de Hyacinthe. Aussitôt, il adressa au jeune adolescent, lançant par cette occasion un dialogue. Le garçon essaya de donner une poignée de main suffisamment ferme afin de paraître assuré à son aîné. Laissant quelques secondes de silence avant de parler, Hyacinthe répondit :

-En effet, c’est bien moi. Enchanté monsieur Davis.

Mais que lui prenait-il donc pour dire enchanté… Dans ce bas monde, il y avait de grandes chances que toute personne qui croisait son chemin périsse des Jeux quelques années plus tard. Se faire des attaches était risqué, d’un autre côté ce nom n’était après tout rien de plus qu’une formule de politesse, de convention. Pas de signification derrière ces lettres, Hyacinthe se refusait à les charger de la sorte.

-Je ne serais certes pas ingénieur spécialiste dans le même domaine que vous, mais il doit bien avoir des procédés analogues entres les inventeurs et ingénieurs. Je suis certain de pouvoir apprendre à vos côtés, je suis curieux de vous voir à l’œuvre.

Le jeune garçon du district numéro trois agrémenta ses derniers mots d’un sourire charmant. Il ignorait de combien de temps il aurait besoin pour maîtriser un certain capital de connaissances sur les énergies, mais avant de le savoir, il lui fallait bien commencer à se renseigner, le jeune Fuchs avait hâte d’observer Allan Davis dans quelque activité que ce soit.

-Nous allons donc voir les panneaux aujourd’hui, ai-je bien compris ? Vous êtes ici mon guide...

Il y avait effectivement de très fortes chances que Hyacinthe s’égare s’il lui venait à l’esprit de s’aventurer seul dans ce territoire absolument inédit pour lui, et faisait pour l’instant confiance à l’adulte, fort d’une certaine expérience et certainement passionné pour transmettre à la jeune génération quelques petites choses.

Échange professionelft. Hyacinthe FUCHS

- En effet, c’est bien moi. Enchanté monsieur Davis. Je ne serais certes pas ingénieur spécialiste dans le même domaine que vous, mais il doit bien avoir des procédés analogues entres les inventeurs et ingénieurs. Je suis certain de pouvoir apprendre à vos côtés, je suis curieux de vous voir à l’œuvre.

Le jeune garçon serra ma main d’une poigne assurée et ferme. Pour un adolescent, il me semblait sage et posé, tout l’inverse de ces personnes qui m’avaient entourées à l’école au même âge. C’était tellement appréciable. Je ne le connaissais pas le moins du monde, mais l’espace d’un instant, je me retrouvais en lui, quoi qu’il fut sûrement moins réservé que moi. Son sourire était chaleureux, à l’image du soleil qui tapait de plus en plus fort en cette journée d’été. Je suis un très mauvais juge de la nature humaine mais il m’inspirait confiance. Puis il s’intéressait à l’ingénierie, et à mes yeux, cela ne pouvait qu’être gagne de qualité de l’être !

- Tu m’en vois ravi. répondis-je en lui rendant un sourire le plus lumineux dont je sois capable. Le plaisir de partager mes connaissances me donnaient des ailes. Habituellement je ne suis pas du genre expansif et bavard, mais quand il s’agit de mon métier, j’avoue que je peux devenir intarissable. N’hésite pas à me couper si je deviens trop envahissant… ou incompréhensible.

J’ajoutais ces derniers mots avec un léger sourire gêné. La vulgarisation, c’était pas encore mon fort. Plusieurs fois, mes parents avaient du me reprendre quand à mon vocabulaire peu adapté aux explications. Ils avaient à peine compris le terme « électrochimie » lorsque j’avais du leur expliquer mon projet en cours avec un collègue d’une autre usine. Mais enfin, ce petit vient du 3, et il a pas l’air idiot. J’espérais que malgré tout, il serait plus calé que mes parents dans ce domaine.

- Nous allons donc voir les panneaux aujourd’hui, ai-je bien compris ? Vous êtes ici mon guide... demanda-t-il.

- Exactement. Cette série de panneaux montre des résultats de rendement insatisfaisants, je veux voir ce qui ne va pas là dedans..

Ce faisant, je m’approchai des panneaux photovoltaïques. Les conditions d’utilisations étaient optimum pourtant, le rendement était faible et personne dans l’usine ne voulait risquer de ne pas satisfaire le Capitole, il fallait agir vite pour ne pas gâcher l’allégresse actuelle consécutive à la victoire de notre tribut. Nous avions électricité et arrivage de nourriture, il fallait que ça continue. Dégainant mes outils de ma mallette, un ampèremètre et divers objets de mesure, j’entrepris de tout installer.

- Habituellement, les panneaux fonctionnent de manière optimale quand on peut obtenir au moins 1000 watt par mètre carré. Ça équivaut à à peu près 25°C. Autant te dire qu’on les obtient presque toute l’année ici. Ils contiennent des cellules photovoltaïques, ce sont des composants électroniques capables de produire de l'électricité à partir de l'énergie solaire, et ceci grâce à l'effet photovoltaïque. Lorsque les photons de la lumière du soleil rentrent en contact avec ces composants, ils transmettent leur énergie aux électrons des semi-conducteurs qui génèrent alors une tension électrique. Et donc de l’électricité ! dis-je avec un sourire fier.

Je me retournais pour regarder le jeune Fusch sans trop me rendre compte si je l’avais perdu ou non. Ça me semblait clair, j’espérais que ça l’était vraiment.

L’adulte était très enthousiaste et afficha sans attendre un sourire absolument charmant face auquel Hyacinthe tenta de ne pas être trop sensible, son interlocuteur restait encore un inconnu et la prudence était de mise. Cependant, ils n’allaient parler que de technique et cet échange n’avait absolument rien de personnel pour le moment, le jeune Fuchs pouvait se permettre de baisser la garde.

Il n’y avait pas de doutes possibles, monsieur Davis était impliqué au possible dans son métier et ses obligations, aussitôt le jeune homme se focalisa sur les panneaux solaires, évoquant leur rendement. Ce terme n’était pas tout à fait inconnu de l’adolescent. Ce dernier savait que globalement, il s’agissait de produire le plus d’énergie possible, en utilisant le strict minimum d’énergie d’impulsion ou d’investissement financier afin d’éviter de perdre plus que ce qui était gagné. Si, comme son aîné le pointait, les engins n’étaient pas suffisamment productifs, c’était effectivement bien fâcheux.

L’attention de Hyacinthe fut redoublée par cette remarque car la suite s’annonçait très certainement intéressante, l’expert allant se prononcer sur la situation et certainement exposer son savoir et ses solutions. La mission d’un ingénieur était de trouver des solutions aux problèmes concrets qui se posaient face à eux et qu’ils devaient confronter et le jeune Fuchs avait hâte d’apprendre cela, en s’inspirant de l’enseignement d’Allen. D.

Alors que l’adulte sortait un à un ses outils, l’adolescent songeur s’interrogeait son degré de passion. Était-il purement et intégralement intéressé par son travail ou y avait-il un part de soumission envers le Capitole : faire au mieux pour éviter les représailles et refuser que les choses n’évoluent par crainte d’une dégradation de la situation. L’adolescent ne s’attarda pas trop longtemps sur ce point et préféra écouter ce que le spécialiste disait avant de réagir.

« Cette chaleur harassante… un mal pour un bien en quelque sorte. Si j’ai bien compris, lorsque l’intensité de la lumière est plus forte, l’afflux plus important de photons permet de générer plus d’électricité. Les caprices de la météo sont incontrôlables, est-il possible d’améliorer la sensibilité côté panneaux pour qu’il réagisse à des lumières plus faibles ? »

Il était impossible de tout contrôler, certes, mais en ce cas pour se donner toutes les chances de son côté il fallait régir d’une main de fer tout ce qui pouvait être sous notre gestion. Hyacinthe était curieux de voir si monsieur Davis allait lui montrer comment modifier les panneaux, ou s’il allait lui parler d’exposition et de choix de lieu de pose en fonction de l’ensoleillement annuel, différentes stratégies se profilaient.