Caractère du personnage -  
Je suis pas le genre "type fréquentable", c'est ce que vous dirait mes supérieurs du moins. Je préfère dire que j'ai un léger souci avec l'autorité mais passons !

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours fait partie de ces crétins baratineurs. Les mecs sûrs d'eux, qui n'hésitent pas à sortir les plus gros bobards si ça leur permet de séduire suffisamment l'auditoire pour devenir le centre d'attention : plus jeune déjà, je transpirais l'assurance et l'orgueil. Aujourd'hui encore, si vous demandez ce qu'il pense de moi à quelqu'un que j'aurais croisé, il me qualifiera sans doute dans des termes proches avec plus ou moins de noms d'oiseaux ou en rajoutant le p'tit surnom sympathique de "délinquant". Heureusement, les nanas s'en fichent. Au contraire, le casier chargé donne l'illusion aux Capitoléennes de s’acoquiner avec le danger et, l'azur du regard aidant, il n'est pas difficile d'en faire tomber une dans mes bras. Si cela me calme sur le moment, ce n'est qu'un plaisir éphémère pour moi qui fuis l'engagement : certains diraient même, un moyen imbécile pour avoir le contrôle du rejet et de ce sentiment de solitude qui l'accompagne.

Souvent, je me suis demandé si je n'étais que cela. Un gosse de riches qui avait trop flirté avec les limites. Alors j'ai cherché ma voie tantôt en créant des polémiques avec mon verbe acerbe que peu comprenait à mon plus grand amusement, tantôt avec cette force brute qui me caractérise, cognant plus souvent que ne parlementant quand il s'agissait de m'expliquer ou quand on me provoquait. Si jamais je ne commence une bagarre, je sais la finir et généralement l'adversaire n'est pas beau à voir. Retenir mes coups, ce n'est pas dans mes cordes. J'ai trop de rancœur en moi et il faut qu'elle sorte, qu'elle s'extériorise pour m'éviter de m'y noyer. La volonté de changer nos vies ne suffit parfois pas, il faut toujours se donner les moyens d'aller plus loin dans nos défis, même lorsqu'ils nous mettent en danger. Reste ensuite à encaisser ce qui en découle sans broncher.  

C'est pourquoi aucun de mes supérieurs ne peut me reprocher quoi que ce soit depuis mon arrivée dans l'unité mobile, même si j'ai toujours ma petite interprétation personnelle des ordres... Pendant la formation, j'ai fait quelques écarts : des réflexions qui m'ont valu des sanctions de plus, une dureté à laquelle seuls les condamnés avaient le droit mais je dois admettre que j'ai appris plus à la Noix que grâce à l'éducation hors de prix de ma gouvernante et les études qui ne m'ont menées à rien si ce n'est une vivacité d'esprit certaine. Ma hiérarchie m'a enseigné le respect et la froideur, celle qui permet de rester en vie et de supporter ce qu'on ne peut pas changer, de s'en accommoder et même de le transcender.

On est ce que les autres voient de nous, ce que je suis vraiment on s'en contrefout. Il n'y a pas deux Derek, il y a juste celui qui a appris à jouer des apparences et se moque des conventions pour attirer le regard. Cependant, ce regard ne transperce jamais la frontière de ma façade charmeuse, insolente et pugnace. Je n'aide personne et personne ne m'aide. Ça me va d'ailleurs parfaitement ainsi.

Histoire du personnage -
Quand on nait entre les strass, les paillettes et les flûtes de champagnes, on peut penser qu'on a bénéficié d'un de ces bons lancers de dés : que la roulette a tourné suffisamment vite pour que la bille stoppe son mouvement sur le numéro gagnant. La pierre frappe pourtant le lustre qui oscille dangereusement tandis que des bris de cristal claquent dans les airs du hall d'entrée.

Ce lance-pierre était artisanal, une arme peu efficace qu'un tribut du Sept avait monté hier à l'écran. Le reproduire avait été amusant, l'utiliser exaltant. Le plus grisant avait été la voix de la gouvernante, elle ne savait plus quoi faire de moi et ça m'encourageait d'autant plus qu'elle essayait en vain de serrer la vis à chaque fois que je commettais un nouveau forfait - sans succès, cela va s'en dire. Je rêvais qu'elle appelle mes parents pour se plaindre une énième fois de mon comportement d'enfant capricieux, insupportable et tellement insolent. Elle glisserait au passage qu'elle n'était définitivement pas assez payée pour s'occuper d'un tel garnement. A cette époque, je pensais que mes frasques pouvaient encore encourager mes parents à faire autre chose que filer plus de salaire à cette bonne. Que ma mère me fasse la morale ou que mon père me prive de visionnage des Hunger Games faisaient partie des choses que je désirais vraiment. Qu'ils daignent au moins venir admirer les œuvres qui tapissaient les murs de l'appartement avant que les muets à notre service ne les nettoient à grands coups d'huile de coude et qu'ils élèvent la voix contre moi aurait peut-être changé la donne. Ou peut-être pas d'ailleurs.

De bêtises de gosse aux premiers délits il n'y a qu'un pas. L'adolescence me l'a fait sauter sans que je m'en rende compte. Les hormones, la recherche d'identité,... Mes parents trouvaient toujours de quoi justifier mes frasques. La faute était toujours externe à la famille, jamais la mienne et encore moins la leur. Qui étaient-ils pour moi ? Mes géniteurs, ça se bornait à cela. Impossible à admettre, la douleur était sourde et insidieuse.

C'est à cette époque que cette colère est née, ce besoin de transgression, cet espoir d'interpeler enfin. Parfois, je me demande encore si ma mère a rejoint son atelier au lendemain de l'accouchement et si mon père est resté avec le mentor qu'il soutenait pendant ma naissance. Cela a peu d'importance, la véritable question est de savoir pourquoi ils ont fait un gamin ensemble s'ils n'en voulaient pas ou n'étaient même pas capables de faire semblant de lui accorder autre chose qu'une éducation de premier ordre. A vrai dire, ils ne se supportaient même pas. Leurs passages dans notre faste demeure étaient rares et j'avais cessé de les attendre quand j'avais compris qu'ils finissaient toujours dans les disputes, les cris et les pleurs. On n'aurait pas pensé ça d'eux lorsqu'ils se pavanaient dans leurs soirées et riaient aux éclats, une main passée
autour de la taille de l'autre. Même là, tous les excès m'étaient accordés pourvu que je ne soulève aucune interrogation de leurs invités. Je n'étais qu'un faire-valoir, un héritier à la gueule d'ange. J'étais transparent et je refusais de l'être. Au final, leurs manières me concernant n'étaient pas terribles mais je les aimais terriblement.

Force est de constater que leurs priorités n'étaient pas les miennes. Le manège continua de leur côté. Moi, j'avais inventé le mien : je m'étais construit seul, avec des repères faussés et le besoin de repousser toujours davantage les limites. Les soirées les plus excentriques, les relations les moins fréquentables, l'alcool et les filles,... J'étais en roue libre. Les dégradations des biens publics faisaient partie de ce tableau décadent, de ce merdier que j'avais envie d'envoyer à la face de ce qui aurait dû être ma famille pour leur rappeler qu'ils avaient un fils. Pas forcément celui qu'ils avaient souhaité, mais un fils quand même. A chaque fois que ma mère ou mon père rappliquait au poste des Pacificateurs, je priai pour qu'enfin ces étrangers deviennent mes parents. Toutefois, à part me sortir de mes travers et de leurs conséquences à coups d'appels à des connaissances haut placées, leur absence restait ce qu'ils avaient de plus brillant.

Puis il y eut la fois de trop... Je m'en souviens comme si c'était hier. Elle avait peut-être dix-neuf ans à tout casser et elle était en train de se faire emmerder par un type dont on savait tous qu'il n'était pas du genre à tolérer qu'on refuse ses avances. Je l'admets, j'étais tout aussi éméché que ces deux-là quand j'ai voulu aider la fille. C'est sans doute pour cette raison que j'ai collé un pain à un des Pacificateurs qui est intervenu pour nous séparer après qu'on leur ait signalé une bagarre. Là où habituellement je la jouais fine, j'avais braillé la culpabilité du type mais c'était moi qu'on avait coffré. J'ai résisté et on sait tous où j'en suis maintenant... Cet évènement a été la goutte d'eau ou la cerise sur le gâteau, c'est du pareil au même.

La sanction a été immédiate et mes parents n'ont rien pu faire cette fois. Finies les études d'informatique où le codage me berçait, bonjour la Noix et le claquement des armes. C'est étrange mais je crois que cette sentence a coïncidé avec la première fois où j'ai ressenti du soulagement. Bien sûr, j'ai vite déchanté. La formation était déjà un calvaire pour les volontaires alors pour les criminels dans mon genre, c'était carrément le bagne ! Adios les nanas et le champagne, j'allai éponger mes dettes à la sueur de mon front et donner des années de ma vie à la force armée de Panem pour expier mes fautes. Programme réjouissant !

Les premières années furent rudes, je ne vais pas le nier. Devoir apprendre à la fermer, à prendre sur moi, à encaisser sans broncher ne s'est pas fait sans heurt. Plus d'une fois, j'ai écopé de corvées ou de séries de pompes interminables pour mes remarques acerbes. Je me suis forgé, j'y ai gagné en maturité et en dureté aussi parce que j'avais l'impression que malgré les reproches constants et la sensation de n'être qu'un paria, on m'accordait de faire de moi quelque chose. Les limites étaient claires et nettes : si je les transgressais je payais, si j'obéissais je pouvais devenir un homme.

Mon intégration à l'unité mobile fut une décision de mes supérieurs. Leurs seules réserves étaient quant à ma capacité à suivre les ordres, ils doivent se douter que je ne suis que ceux qui m'arrangent et que je refuserai de me sacrifier pour un autre. Plus que cette réputation de perturbateur, la prise en compte de mes talents a joué : j'étais un excellent tireur, je savais me battre au corps à corps avec une force vive et surtout je n'avais aucune attache. J'en avais fini avec mes parents, du moins le simple fait d'en avoir décidé ainsi me suffisait à me bercer dans cette illusoire impression : savoir qu'ils avaient eu un enfant moins d'un an après qu'on ait banni leur aîné m'avait suffi à couper les ponts. Mon frère doit avoir quoi maintenant... Onze ou douze ans ? Suivait-il le même chemin que moi ? L'envie de le rencontrer me dévorait parfois mais qu'aurai-je à lui apporter ? Le pire exemple de grand frère qu'on puisse lui servir ?

Là n'est pas la question de toute manière... Maintenant que la Rébellion a montré qu'elle existe et est prête à en découdre, je n'ai que l'envie de remettre la main sur ces salauds qui nous ont fait passer pour des amateurs devant tout Panem et les mettre hors service. Mes côtes grondent encore de cette balle qui a failli me perforer la poitrine, la rancune est un moteur puissant auquel je fonctionne depuis si longtemps que je n'en ressens même plus l'amère saveur. A croire que frôler la mort vous fait prendre conscience de l'essentiel, je n'aspire désormais qu'à m'affirmer dans mon boulot et profiter de mes jours de perm' pour croquer tout ce que la vie a à m'offrir avant qu'il ne soit trop tard.

Ambition du personnage -
Carpe Diem !

Depuis mon arrestation et ma pénitence dans les forces armées de Panem, j'ai décidé de ne plus m'en faire pour demain et de profiter de chaque instant. Là où beaucoup rêveraient de retrouver leur vie d'avant, je ne rêve de rien parce que je n'attends plus rien de personne. Sûrement suis-je complètement hypocrite en me complaisant dans cette illusion, on vit tous dans un espoir inatteignable. Le mien me brûle les entrailles, me fracasse le cœur et me vrille le crâne, tellement plus facile dans ces conditions de se voiler la face.

Je ne suis pas prêt à voir à quel point ma douleur m'a poussé à entrer dans une guerre futile, à me perdre dans des actes peu reluisants qui ont façonné mon destin et l'ont engagé sur une voie que je n'aurais jamais choisie. Pire encore, je ne suis pas prêt à accepter que je n'obtiendrai jamais ce que mes souhaits d'enfant soufflait aux bougies de mes gâteaux d'anniversaire lorsque dans un souffle elles s'éteignaient : une famille.