Souviens-toi de moi...

Souviens-toi de moi...

Du Eric Clapton pour l'ambiance ;D

Jared fronça le nez à cause des odeurs qui régnaient dans ce coin du District Douze. Pour un gérant de bar au Quatre habitué aux odeurs iodées de la mer mêlées au parfum des coktails qui avait , en plus de cela , mené une vie fastueuse au Capitole pendant plusieurs années ; le contraste avec l’atmosphère étouffante du Douze n’en était que renforcée.  Il se trouvait pourtant  loin de la Veine et de ses nombreuses mines mais il pouvait tout de même sentir cette odeur âcre de suie et de charbon qui était transportée par la majorité des travailleurs du District. Si l’aigre relent des mines fut la première chose qui incommoda Jared dès qu’il fut sorti du Cobra , ce ne fut bientôt plus la seule. La misère semblait être omniprésente , les rues étaient insalubres au possibles et les habitants qu’ils croisaient étaient vêtus avec des guenilles qui ne pouvaient décemment pas être considéré comme de véritables vêtements. A chaque pas qu’il faisait dans ces allées désolés , le rebelle mesurait un peu plus l’ampleur du désespoir dans lequel vivait ces pauvres gens . Il avait expérimenté la vie de star au Capitole et celle de commerçant dans un district riche et s’il avait toujours vécu aisément il sentait bien un certain contraste entre le Capitole et le Quatre ; mais là le contraste avec le Douze dépassait toutes proportions ; comment ces personnes pouvaient elles vivre dans de telles conditions? Il n’était pas très étonnant que les ressortissants de ce district soient si nombreux dans les rangs rebelle : la haine envers le Capitole devait atteindre des taux records par ici. 

Jared n’était pas vraiment intimidé ni vraiment traumatisé par ce qu’il voyait; d’ailleurs on pouvait bien se demander ce qui pouvait toucher profondément le coeur monolithique de cet homme ombrageux ; mais il devait bien avouer qu’évoluer dans ces rues avait quelque chose de dérangeant , de quasiment indécent. Le barman continua sa marche en avant sans prendre le temps de s’arrêter pour contempler la misère de ce monde  ; il se contenterait de faire ce qu’on lui avait demandé et il repartirait aussi vite qu’il était venu.  Il s’efforça d’ignorer les regards des passants qui se demandaient qui pouvait bien être cet homme affublé d’un blouson en cuir que  bien peu auraient pu se payer ici et aux traits si particuliers et intrigants. 

Il devait retrouver des contacts rebelles qui lui remettraient un document précieux pour une mission importante qui devait avoir lieu sous peu.  En arrivant au croisement de deux “avenues” , si on pouvait toutefois qualifier ces piteux sentiers d’avenues, Jared leva les yeux pour lire la pancarte au-dessus de lui ; il était dans la bonne rue et il ne tarda pas non plus à identifier le bon numéro malgré les quantités non négligeables de poussières et autres saletés qui se trouvaient sur les plaques métalliques en tout genre. Jared frappa la porte qui était métallique contrairement à celle des maisons voisines , de trois coups rapides puis de deux coups espacés de plusieurs secondes puis de trois nouveaux coups rapide ; c’était le code convenu. Au bout de quelques instants la porte s’entrouvrit laissant apparaître une silhouette trapue : 

“Ah ! Nous vous attendions Kundray , vous êtes en retard. Un souci avec le Cobra?  fit l’homme sur un ton de reproche peu convaincant

-Non , je profitais simplement du paysage d’ici. répondit un Jared cynique à souhait. Contentez vous de me donner ce document au plus vite Falton  et épargnez moi vos  commentaires inutiles. “

Le dénommé Falton grommela quelque chose que le barman ne put entendre et le fit entrer à contrecoeur. L’intérieur de la maison était assez miteux comparé à ce qu’avait connu Jared mais correspondait tout de même à quelque chose d’à peu près décent. Au fond de la pièce deux autres personnes étaient assises sur un canapé rouge rapiécé ; ils saluèrent le nouveau venu avec un enthousiasme tout relatif ; Jared leur renvoya bien le bâton ; il faut dire qu’il n’avait pas beaucoup d’efforts à fournir pour paraître froid et distant. 
 
Falton fouilla dans un de ces tiroirs et sortit le document convoité par son invité, il le lui tendit sans un mot de plus et Jared le prit sans l’ombre d’un remerciement. Au moment où le barman s’apprêtait à sortit de la maison pour rejoindre le Cobra et repartir au plus vite de cet endroit l’un des deux rebelles assis sur le canapé demanda : 

“Au fait , quelqu’un est volontaire pour surveiller l’autre attardée de Thorne? Johnson attend la relève et Greene qui devait s’en charger est malade comme un chien .
-Hors de question , aboya Falton , je l’ai déjà fait la semaine dernière , pas que ça à faire.”

L’autre rebelle refusa aussi, Jared quant à lui s’était arrêté. Il connaisait de nom Melvil Thorne , c’était un ancien vainqueur et le mentor du Douze mais il était surtout un rebelle actif ; ils s’étaient peut-être déjà croisés une ou deux fois mais sans jamais vraiment avoir de conversation . Mais c’était surtout le terme “d’attardé” qui surprit Jared , de ce qu’il savait le mentor était tout sauf un idiot. Et puis pourquoi fallait-il le surveiller? Ne devait il pas se trouver au Capitole pendant la durée des Jeux? 

“Vous voyez vraiment Melvil Thorne comme un attardé? Eh bien pauvre vieux…”

Le rebelle interpellé se redressa , visiblement interloqué:

“Mais non je ne parle pas de Thorne mais de la fille qu’il retient chez lui…”

Décidément toute cette affaire commençait à devenir un peu louche .

“Il retient une fille chez lui?
-Yep on ne m’a jamais vraiment expliqué tous les détails mais de ce que je sais c’est une ancienne Capitolienne ayant perdue la mémoire qu’on a été forcé de ramener ici. En l’absence de Melvil il faut que nous la surveillions à tour de rôle mais Greene est sérieusement malade et il n’y a personne pour pouvoir assurer le tour de garde. Si vous pouviez…
-Bon j’y vais . lâcha Jared sans vraiment savoir pourquoi il venait d’accepter cette tâche alors que ce qu’il désirait avant tout c’était de quitter cet endroit désolé . 
-Sa maison est dans le Village des Vainqueurs , c’est l’une des seules qui est habitée mais au moins tu y seras plus à l’aise que n’importe quel autre endroit de ce District . 

Sur ce point Jared voulait bien croire son contact rebelle . Falton se sentit alors obliger d’expliquer à Jared d’un ton peu amical quelles étaient les prérogatives à suivres mais le barman n’était pas vraiment pas d’humeur et il le coupa au bout de quelques secondes. 

-Commencez pas à faire chier , je veux bien rendre service mais bon ; et puis je n’ai rien à voir avec toute cette affaires. Dites moi juste quand on viendra me remplacer.
-Brown devrait être disponible d’ici quatre ou cinq heure…

Quatre ou cinq heures…

Quelques dizaines de minutes plus tard , Jared pénétra dans le village des vainqueurs et se dirigea vers la maison ornée de la plaque où était indiqué le nom de l’actuel mentor du Douze. 
Il glissa la clef que Falton lui avait donné dans la serrure et ouvrit la port qui grinça légérement. Le linving-room d’entrée était spacieux et très propre , et de ce le veuf pouvait voir l’ensemble de la maison semblait être aussi confortable ; au moins aussi agréable que les habitations des Districts Supérieurs voie peut-être plus .  Jared claqua la porte derrière lui et tout de suite après une voix féminine familière et pourtant si lointaine se fit entendre : 

-Qui est-ce?

Jared s’immobilisa et fronça les sourcils , cette voix il ne la connaissait que trop  bien ; mais non c’était impossible ; ce devait simplement être une coïncidence une simple ressemblance. 
Des bruits de pas retentirent , quelqu’un approchait. Une silhouette apparut dans l’ombre du corridor  ; celle-ci fit quelques pas pour se retrouver à la lumière . Jared , stupéfait , entrouvrit légèrement la bouche et resta interdit , les bras ballants . Finalement il avait peut être plus à voir avec cette affaire qu’il ne le pensait car devant lui se tenait Azilys. 
L’ancien basketteur lâcha alors

-Oh merde…...

Que la maison était vide depuis le départ de Melvil... Azilys s'occupait comme elle pouvait, entre séance de sport, cuisine, couture, elle faisait en sorte de faire des choses minutieuses et compliquées pour être sûre que ça l'occupe longtemps. Et puis il y avait Capitole TV en permanence, qu'elle regardait du coin de l’œil plus pour savoir ce qui se passait que pour vraiment regarder. Le sang et la violence ça n'était vraiment pas son truc et elle trouvait même cela choquant et répugnant. Comment le Capitole pouvait envoyer ces pauvres enfants s'entretuer... Elle était contente d'appartenir à la cause rebelle mais se sentait comme insatisfaite. Les jeux existaient toujours et puis elle avait entre-aperçu la misère dans laquelle certain vivait...

Si la moisson avait été un véritable soulagement, elle avait quand même eu de la peine pour les deux jeunes qui avaient été pioché et qui n'avaient pas fait long feu. Même si égoïstement, elle s'était d'abord dit que Melvil allait revenir plus vite, et qu'elle s'était ensuite déculpabiliser en se disant qu'ils étaient morts tellement vite qu'ils n'avaient pas souffert. Au moins ça, les pauvres n'avaient pas la moindre chance de toute façon. Alors qu'il y avait eu des morts... Beuargh, elle n'avait pas pu regarder.

Et chaque jour aux mêmes horaires elle attendait la visite des amis de Melvil, d'abord avec enthousiasme, désormais presque blasée. Elle n'en pouvait plus d'être à l'intérieur et de ne voir personne mais les rebelles qui venaient ne lui parlaient pas, ne lui racontaient rien. Aucunes nouvelles de Melvil, aucune discussion pour se changer les idées, ils déposaient à manger et autres, s'assuraient que tout allait bien et restait dehors ou repartait. La nuit ils se relayaient pour monter la garde et c'était tout.

Le plus dur c'était que depuis le départ de Melvil, les cauchemars étaient revenus et les nuits étaient bien difficiles... Elle ne se sentait pas en sécurité, surtout la nuit tombée alors elle se barricadait un peu dés que le soleil déclinait et faisait sans doute un peu trop fonctionner les lumières. Mais tant pis, elle ne supportait plus le noir. Et certains de ses "gardes" la mettaient vraiment mal à l'aise.

Quelques jours plus tôt elle avait eu la visite de la sœur de Melvil, quelle chance, même s'il lui serait difficile d'avouer à son "mari" que sa sœur avait un gros bleu au visage par sa faute. Elle espérait que Faye repasse la voir, il lui semblait que le courant était bien passée entre elles et puis cela avait réellement illuminé sa journée.

Là, Az attendait la visite des rebelles, assise sur son lit en train de coudre un motif sur un bout de tissu. Ils étaient en retard et c'était tout à fait inhabituel mais il valait mieux s'occuper l'esprit que de s'inquiéter pour rien. C'est à ce moment qu'elle entendit des bruits de pas. Le cœur battant, elle posa son œuvre et releva le dos. Fort heureusement, le son d'une clef qui tourne dans la serrure la rassura. C'était donc son garde, simplement en retard. La porte se referma et elle se dirigea vers les escaliers afin d'aller l'accueillir et le mitrailler de questions même s'il n'y répondait pas.

- Qui est-ce ?

Elle sortit du couloir et tomba nez à nez avec un inconnu, du moins pas un de ceux qu'elle avait l'habitude de voir car très vite après l'avoir dévisagé, elle eut un curieux sentiment de familiarité. Elle allait lui balançait direct ses questions et ses remarques habituelles avec son petit air de femme blasée lorsqu'il ouvrit la bouche et parla.

- Merde ? Pourquoi merde ? Quelque chose ne va pas ?

Enfin un qui savait parler. Mais son petit merde eu pour effet immédiat de faire imaginer à Azilys les pires choses du monde. Quelque chose était arrivée à Melvil ? C'était pour ça qu'il ne rentrait pas ? Ou bien Faye ? Ou bien le Capitole l'avait retrouvé et arrivait pour la récupérer et la torturer. Un volcan en éruption ? Une astéroïde ? Allons, quoi, il faut parler à cette pauvre femme dont le cœur s'emballe. Son inquiétude est visible sur son visage et elle s'attend alors au pire, déglutissant. Elle n'est pas sûre d'avoir envie d'entendre la suite.

Tellement inquiète qu'elle ne prend pas le temps de demander s'ils se connaissent, de le taquiner sur le fait qu'il sache parler, lui et autres chose qui ont pu lui passer par la tête.

- Quelque chose est arrivée à Melvil ?

Les sourcils froncés, elle semble presque supplier qu'on lui dise que non, tout va bien, il rentrera même demain.

Souviens-toi de moi...

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“Merde” était bien le terme qui pouvait résumer la situation ; Jared avait été informé qu’il tomberait sur une femme du Capitole ayant perdu la mémoire mais parmi les millions de possibilités il ne s’était pas attendu à tomber sur Azilys qui avait été bien plus qu’une simple connaissance par le passé. Ils avaient été pendant un moment amants  au Capitole puis ils s’étaient relativement perdus de vue avant que le barman ne refoule définitivement ses sentiments au plus profond de lui-même avant de quitter la capitale. 

Jared se retrouva désemparé comme il ne l’avait pas été depuis longtemps . Face à cette surprise quelle serait donc la stratégie à adopter ? Il se doutait bien qu’en tant que bon rebelle il devrait faire fi de tous ses souvenirs du passé et faire comme si rien de spécial ne s’était produit ; cela pourrait être aisé d’autant qu’Azilys ne semblait même pas l’avoir reconnu. Mais le veuf n’était pas vraiment le plus exemplaire et docile des rebelles et feindre un tel comportement ne l'enchantait guère. 

Il fut tiré hors de ses pensés par la voix cristalline de son ancienne muse :

“Melvil?” fit d’abord Jared incrédule.

Il mit quelques secondes à enregistrer la question d’Azilys et , toujours aussi déstabilisé , il s’efforça de lui répondre non sans un manque d’assurance plutôt rare de sa part ; il était complètement désarçonné et prit de court.  

“Euh… Non je ne crois pas. Il va bien , enfin je pense… “

Les traits d’Azilys se détendirent alors , trahissant son grand soulagement d’apprendre que son hôte du jour était sain et sauf.  Le rebelle , quant à lui , continuait à se demander comment il allait bien pouvoir gérer la situation. Il rentra à l’intérieur du salon et s’assit sur le canapé avant de diriger son regard gris vers la Capitoléenne.

“Comment vous appelez-vous et d’où venez-vous? “ demanda-t-il simplement en appréhendant la réponse qu’elle lui donnerait.

L’amnésie était elle assez forte pour qu’elle oublie son nom et ses véritables origines ? Ses ravisseurs lui avaient ils totalement lavé le cerveau en lui faisant croire de fausses informations sur sa vie? 

Jared balaya la maison du regard ; la demeure était de loin plus confortable de ce qu’il avait vu depuis son arrivée dans le Douze. L’endroit était spacieux , propre et bien équipé et était à peu de choses près similaire à ce que l’on retrouvait dans les districts supérieurs. Mais à la différence des districts riches , ici dès que l’on sortait du Village des vainqueurs l’on devait se heurter à la misère et la saleté ambiante.

“Vous vous plaisez ici ?” 

Intentionnellement , le natif du Quatre ne précisa pas s’il parlait de la maison ou du District car il était curieux sur quel point porterait la réponse d’Azilys.

Il s’évertua alors à remettre un peu de consistance et d’assurance dans sa voix.

“Est ce que tu… est ce que vous sauriez où je peux trouver à boire? “

Par “ à boire “ il entendait bien évidemment un remontant corsé pour l’aider à digérer la pilule qui avait du mal à passer ; il espérait que le mentor du Douze partageait son goût pour l’alcool sans quoi il aurait bien du mal à faire face à une situation bien plus périlleuse qu’aucune mission qu’il ait pu faire .

Ouf.
La jolie brune poussa un gros soupire. Melvil allait bien, enfin la réponse n'était pas non plus sûre d'elle mais il avait curieusement l'air d'être pris au dépourvu. Un "je pense" valait mieux qu'un "merde" et elle pouvait remballer son petit cœur ému.

Non seulement l'inconnu à l'air familier parlait mais en plus il posait des questions et il n'avait pas l'air au courant. Qu'y était-il ? Que venait-il faire ici ? Un espion du Capitole ? Mais non, il avait la clef !

- Heu, je suis Azilys, la femme de Melvil. Je viens du... Oh je ne sais même plus, du quatre ? du sept ? J'ai déjà oublié ce qu'on me rappelle que j'ai oublié.

Elle le regardait avec les yeux ronds, sans trop oser bouger, presque un peu interdite. Il l’intriguait. A tel point qu'elle en avait oublié de lui retourner la question. C'était elle les questions d'habitudes. En même temps elle était trop contente d'avoir quelqu'un avec qui discuter !

- Si je me plais ? Bah... Vous êtes la deuxième personne avec qui j'ai une conversation depuis la moisson, je suis coincée dans cette maison, qui est bien mais bon... Je m’ennuie un peu. Après je m'occupe comme je peux.

Elle haussa les épaules. C'était pas si pire, si ce n'est le temps un peu long. Mais elle était sage et obéissante. Elle comprenait les enjeux.

- C'est censé réveiller ma mémoire ? Enfin, c'est pour ça que vous êtes là c'est ça ?

Mais pourquoi est-ce qu'il avait l'air si troublé ?
L'inconnu lui demanda de quoi s'hydrater et Azilys changea alors complètement d'attitude, se sentant comme la pire des hôtes.

- Oh ! Pardonnez-moi, je ne vous ai même pas proposé à boire, je suis vraiment la pire. Que voulez-vous ? De l'eau ? Autre chose ? Il y a du choix.

Melvil boit beaucoup, c'était quelque chose qu'elle avait remarqué et qui lui déplaisait un peu. Il buvait trop. Elle attendit la réponse avant d'aller chercher la boisson demandée dans la cuisine et de se servir un verre de vin pour elle-même. Elle prit ensuite également place dans le fauteuil, plongeant ses lèvres dans le précieux liquide comme pour se donner la force d'enfin demandée ce qui ma démange depuis le début.

- Est-ce qu'on se connait ?... Je vous trouve familier.

Elle le regarde alors avec un sourire un peu gênée. S'ils se connaissent effectivement, cela doit être tellement vexant pour lui. C'est peut-être ça qui le perturbe depuis le début. Alors elle replonge dans son verre pour en tirer une bonne gorgée. Melvil commençait à déteindre sur elle.

Souviens-toi de moi...

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Pour avoir perdu la mémoire , elle avait bien perdu la mémoire. Mais pire encore, ses geôliers lui avaient raconté d’ignobles mensonges sur son passé, “la femme de Melvil originaire du Quatre ou du Sept”; mais à quoi les rebelles qui l’avaient capturé jouaient ils donc?  Jared ne la connaissait pas comme une agent du Gouvernement ou des Pacificateurs et il doutait fort qu’elle représentait une véritable menace , d’ailleurs s’il en avait vraiment été une les insurgés se seraient contentés de la liquider comme il le faisaient d’ordinaire mais là le barman avait bien du mal à comprendre leur objectif.
 
Elle lui racontait qu’elle s’ennuyait, seule dans cette maison , condamnée à rester dans cette maison et à ne rencontrer qu’un seul homme qu’elle croyait être son mari alors que son véritable époux se trouvait soit au Capitole soit six pieds sous terre; cela avait dû être selon l’humeur des rebelles présents lors du kidnapping.

Azilys lui demanda alors s’il était là pour lui raviver la mémoire. Finalement il devait bien y avoir quelques souvenirs profondément enfouis dans l’esprit de la jeune femme, prêt à ressurgir à tout moment à l’écoute d’une voix familière ou à la vue d’un visage connu.

“A priori non, je suis ici un peu par hasard. Je viens du Quatre et je devais venir ici pour une mission de routine et puis comme personne ne semble visiblement heureux de m”onter la garde” ici j’ai pris un créneau sans trop savoir à quoi m’attendre. Mais je suppose que je n’ai pas grand chose à craindre de vous non?.”

Elle lui proposa de l’eau ...de l’eau...Elle était gentille mais la pilule aurait bien du mal à passer avec de l’eau.

“Peut-être quelque chose de plus fort? “

La jeune femme apporta une bouteille de vin et une autre de whisky qu’elle avait sorti d’une armoire remplie de bouteilles de spiritueux de toutes sortes. Visiblement le mentor du Douze qui vivait ici avait également un sérieux penchant pour l’alcool. Buvait-il pour oublier des blessures du passé ou simplement pour s’amuser? Jared l’ignorait et finalement il s’en foutait un peu; il avait ses propres maux et celui auquel il faisait présentement face se rajoutait à sa longue liste de soucis à régler, pire il venait d’y faire une entrée tonitruante dans les premières places. En réalité la jeune femme ravivait aussi la mémoire du rebelle, ramenant des souvenirs douloureux du passé. Il ne l’avait plus revu depuis son départ du Capitole il y a bien des années où il l’avait quitté en pleurs et il avait presque réussi à tourner la page en rencontrant Helena, en ouvrant son propre établissement , en s’engageant dans la rébellion. Et si son visage délicat se trouvait toujours dans un coin de son esprit, il s’était fait à l’idée qu’il ne serait plus amené à la revoir.

Mais les voies qui guident le destin de chaque individu sont impossibles à anticiper et au moment où il s’y attendait le moins , les choses avaient été ainsi faites qu’il la revoyait à nouveau dans des circonstances qu’il n’avais jamais imaginé.
Il se servit un bon verre de bourbon qu’il but d’une traite; il avait l’habitude de ce genre d’alcool fort et en plus il sentait que dans les minutes qui allaient suivre cette bouteille lui serait précieuse et d’un grand secours pour essayer de se calmer. Objectivement  il y avait mieux que l’alcool pour garder son sang-froid mais Jared devait bien se réfugier dans quelque chose et il ne pratiquait pas la méditation.

Il y eut un court moment de silence, la jeune femme sirotant son verre de vin tandis que son “gardien” du jour l’observait sans arrêt et l’analysait sous toutes ses coutures. Physiquement elle avait mûri, en bien , et comme le vin qu’elle buvait elle semblait se bonifier avec l’âge. Ce n’était pas vraiment le cas de Jared , qui avait certes meilleure mine que lors de la dernière rencontre, mais qui était encore loin d’avoir son aura d’athlète. Le temps et les épreuves l’avaient marqué physiquement et psychologiquement.  Pourtant il restait un homme avec un certain charme, sa silhouette était toujours musclé , son visage toujours agréable à voir malgré la fatigue et la lassitude qui s’y lisait et son regard était toujours aussi intrigant ; il semblait simplement plus froid , plus distant , moins chaleureux et accessible que par le passé. 

Et puis la question fatidique qui devait être posée tôt ou tard fut posée :

“Est-ce qu’on se connaît? ...Je vous trouve familier…”

Jared laissa alors échapper un petit rire nerveux; pour la première fois depuis longtemps il ne savait pas quoi faire, pas quoi lui dire. Les rares fois que cela lui était d’ailleurs arrivé c’était d’ailleurs le plus souvent face à elle…

“Si on se connaît...Oui on se connaît, ou plutôt on se connaissait il y a un long moment déjà…Quant à la familiarité de mes traits ce n’est pas étonnant vu que tu m’as vu sous toutes les coutures.”

La pauvre femme semblait perdu, ce que Jared pouvait comprendre au vu de la situation. Il n’y avait sûrement rien de pire qu’une telle perte de mémoire où l’on oubliait tout son passé , toute sa vie , toute son identité. Pour l’instant elle avait cru ce qu’on lui avait dit mais un jour ou l’autre elle finira par sortir de cette “maison-prison” et se rendra compte que certaines choses ne collent pas.

“Je suis Jared Kundray , du Quatre.”

Il avait décliné son identité pris du fol espoir qu’à son écoute , Azilys se souvienne de tout ; ce qui était hautement improbable. 

“Tu ne te souviens ni de moi ni de rien; moi si. D’ailleurs il aurait peut être été préférable pour nous deux que je ne me souvienne pas non plus ou que nous ne nous recroisions …”

Mais maintenant qu’ils s’étaient revus et que le veuf savait que son ancienne amante se trouvait cloîtrée ici avec un geôlier qui se faisait éhontément passer pour son mari ; il ne pouvait pas faire comme si rien ne s’était passé. 

Jared fut , l’espace d’une poignée de secondes , tenté de tout lui déballer d’un coup. Toute la vérité sur son son passé, sur qui elle était vraiment : sa vie fastueuse au Capitole, leur rencontre et leur relation endiablée puis la séparation , son mariage avec un riche et influent capitolien etc. Mais il se ravisa au dernier moment , conscient que cela était encore prématuré. Elle risquait de ne pas le croire et lui allait certainement s’attirer des problèmes chez les rebelles. 

Le rebelle se dit tout de même qu’il ne pouvait pas évoquer avec elle ce qu’ils avaient vécu et partagé ensemble de par le passé. 

“C’était lorsque nous étions jeunes et insouciants, loin de la guerre et de la violence.  C’était un soir au bar qu’on s’est vu pour la première fois. Un peu d’alcool, un peu de déconne et ça avait fini au lit. Au début je te voyais plus comme un coup d’un soir qu’autre chose mais nous nous sommes revus une deuxième fois , puis une troisième , une quatrième...C’était il y a longtemps , j’étais un autre homme et toi une autre femme ; je ne sais même pas si nous nous sommes aimés sincèrement durant notre relation mais ce que je peux te dire c’est que quand nos chemins se sont séparés un manque s’est fait ressentir dans mon être. Je ne suis pas un romantique mais parmi toutes mes anciennes conquêtes quelque chose me disait que tu avais quelque chose de spécial…”

Il laissa échapper un soupir , ces souvenirs étaient douloureux car ils savaient que rien de semblable ne serait possible aujourd’hui. Jared avait choisi une voie qui le condamnait à la solitude et le fait qu’il retrouve une Azilys complètement amnséique n’y changerait sans doute pas grand chose.

“Quoiqu’il en soit c’est du passé, nous nous sommes quitté , tu t’es marié et nous ne nous sommes plus revu jusqu’à aujourd’hui.” Mais je peux me targuer d’avoir connue l’autre Azilys , la vraie Azilys.” 

Oui elle s’était marié mais sûrement pas avec ce pédant mentor du Douze comme on le lui avait fait croire. Jared en connaissait un qui allait devoir lui fournir quelques explications au plus vite pour éviter de se retrouver en sang.  

“Mais je peux me targuer d’avoir connue l’autre Azilys , la vraie Azilys.” 

Là il venait peut-être d’en avoir trop dit...

Cet homme était étrange.
Il était bel homme mais ne semblait pas dans son assiette. Il avait l'air si las, presque blasé et en même temps quelque chose semblait aller foncièrement mal. Et puis la façon dont il la regardait, la dévisageait... Azilys ne pouvait s’ôter le doute qu'elle avait fait ou dit quelque chose d'incorrect ou déplaisant. Elle avait beau chercher, elle ne trouvait pourtant pas ce que cela pouvait être.
Au moins il lui parlait, même si la conversation tournait de plus en plus étrangement. Il était même bavard tout compte fait et de plus en plus d'ailleurs. Surtout après avoir englouti son verre d'alcool fort. Ou bien était-ce la question que Az avait posée ? Il aurait fallut voir son rictus à ce moment là, et son petit rire. Est-ce qu'il était fou ? Parce qu'il se comportait de façon vraiment anormal. Mais elle avait peut-être mis un sacré pied dans le plat en posant cette question...

En tout cas il avait dit être du 4, ça pouvait tout expliquer non ? Ils étaient rebelles et avaient déjà travailler ensemble. Qu'est ce que ça avait si d'étonnant de reconnaitre un rebelle ? Ça devait bien arriver un jour. Forcément. Elle était juste trop ravie de pouvoir enfin se raccrocher à quelque chose de familier pour ne pas vouloir en savoir plus. C'était donc pas surprenant mais naturel de demander. Elle eu un petit sourire en mettant en place ce cheminement de pensées, comme si tout allait bien tout compte fait.

Sauf que... Sauf que son attitude ne concordait pas, toujours pas. Il y avait autre chose. Azilys prit place dans le fauteuil et le regarda avec la plus grande attention, tout en sirotant toujours son vin. Il commença à lui expliquer qu'ils se connaissaient, effectivement. Il y a longtemps. Et

- ... Sous toutes les coutures ?!

Qu'est ce qu'il racontait encore ? Elle était plus qu'interloquée là. Elle resta coi, se clouant le bec elle-même pour réfléchir à ce que cela pouvait bien dire. Puis il reprit. Jared Kundray ? Ca ne lui disait absolument rien. Comme il le savait, elle était amnésique. Il marqua une pause et continua. Là encore, c'était étrange. Préférable ? Azilys se posait à peu près mille questions en même temps, elle était excitée et elle avait peur. Elle n'était plus très sûre de vouloir savoir et en même temps, elle ne s'était jamais sentie aussi proche d'un souvenir.

Et puis... Le choc... C'était dans un bar... Un peu d'alcool... finit dans un lit... Ses lèvres dans sa gorge. Az se leva brutalement. Elle ne le quittait pas des yeux bien que les images qui lui venaient en tête étaient très dérangeantes. Des moments très intimes, liés à des émotions fortes et pas avec l'homme qui était son mari. Bien sûr qu'elle avait connu d'autres hommes... Mais s'en rappeler si subitement et de façon si détaillée. C'était comme si c'était hier. Il continua avant de soupirer mais Azilys était en proie à ces flashbacks, des séries d'images sans aucun sens pour le moment. Elle se disait que c'était une soirée dans un bar du 4, avant Melvil. Mais quelque chose la perturbait sans qu'elle ne puisse mettre le doigt dessus.

Il reprit et confirma une partie de ce qu'elle pensait. Du moins, c'était ce qu'elle croyait. C'est du passé. C'était au 4, avant Melvil... De l'alcool... Une coupe de champagne... Puis une autre... Un bar... Une robe... C'était au 4 ? A quoi ressemble le 4 ? Pourquoi était-ce le mot capitole qui lui venait en tête ?

Azilys laissa tomber son verre, tâchant le tapis d'une belle nappe écarlate. Elle se prit le front et s'éloigna de quelques pas, marchant dans un sens puis un autre. Aléatoirement. Sa respiration s'accélérait, de paire à son angoisse. Jared. Elle murmura. La soirée lui revenait en retour arrière. Le bar, le match, la star de basket. Jared... Mais en même temps ça s'arrêtait net tout autour. La première rencontre, la deuxième, la troisième... Et entre ? Le néant. Comme si son cerveau refusait de lui donner accès au reste parce que parmi ces souvenirs il y avait celui insupportable des rebelles tuant son mari, la tabassant, le choc qui l'avait mis dans cet état à la base. Cela lui donnait un puissant mal de crâne alors qu'elle luttait pour en savoir plus.

- Ce n'était pas au 4, fit-elle simplement, un brin hystérique, sur un ton emprunt d'angoisse. C'était au capitole. Elle chouinait presque face à cette révélation qui, dite à voix haute, venait de lui ouvrir les portes de sa mémoire. Elle se mit à haleter, très fortement. Tout lui revenait, c'était douloureux, insupportable, in compréhensible et ça se mélangeait avec les faux souvenirs qu'elle s'était fabriquée. Elle avait envie de vomir, de pleure, de hurler, de s'enfuir. Notamment parce qu'elle était tombée amoureuse de cet homme et qu'il n'avait fait que lui mentir. Elle voulait le sortir de son être. Elle revoyait ce baiser, ce qu'elle avait dit à ce moment là, si proche de se souvenir. Elle s'était demandée si John était bien mort, son mari, son vrai mari qui lui avait fait peur pendant tant d'années. Elle avait été honteusement heureuse de savoir que c'était bien le cas, elle l'aurait presque remercié. Elle l'était toujours. Si seulement c'était vraiment vrai ? A quoi pouvait-elle se fier désormais ?

La vraie Azilys... C'était donc ça... Cette femme capitolienne, si pétillante à une époque et puis mariée à un homme affreux... Jared... Azilys continuait de marcher, se touchant, triturant même, les lèvres tout en murmurant une série de non à l'infini. Elle n'en pouvait plus. Trop d'un coup. Elle avait mal partout, mal là où elle avait pris des coups, mal au cœur, mal au ventre, mal au crâne. Profond sentiment de malaise intérieur. Profond dégout de ce qu'elle avait vécu. Des tonnes de questions. Peut-être... Peut-être que les rebelles n'avait pas tuer son mari, juste passer à tabac et l'avaient prise elle pour qu'elle parle. Parler, Melvil n'avait pas arrêter de la stimuler en ce sens... Pour se débarasser d'elle ? Et Jared alors ? Il était rebelle alors... Il avait été sincère jusque là, et elle l'avait aimé, mais maintenant ? Il était des leurs. C'était trop. Beaucoup trop.

Elle se laissa tomber au sol et se mis à pleurer.

Souviens-toi de moi...

Du Eric Clapton pour l'ambiance ;D

Jared n’était pas un grand expert dans tout ce qui touchait à l’amnésie et aux troubles de la mémoire mais visiblement la simple évocation de quelques souvenirs du passé avait fait l’effet d’une bombe révélatrice dans l’esprit d’Azilys.  

Elle était complètement interdite, des souvenirs profondément enfouis émergeaient et elle en était complètement perturbée ce qui pouvait être assez compréhensible. Elle lâcha son verre de vin et bientôt une tache ocre se répandit sur le tapis au sol mais le nettoyage du tapis de Melvil était bien le cadet de leur soucis actuels. 

En état de choc , la jeune femme ne put que dire d’une voix haletante:

“ Ce n’était pas au Quatre , c’était au Capitole…”

Elle savait...elle s’en souvenait et Jared sur le coup ne savait pas vraiment quoi en penser. Partagé entre une certaine joie de voir celle qu’il avait aimé se souvenir de lui et de son passé et une craint de ce qui arriverait par la suite. Car le barman venait de faire voler en éclats toute une mission rebelle minutieusement préparé ; d’un point de vue stratégique il avait merdé et il allait sûrement devoir s’expliquer devant les pointures de la rébellion au Treize. Avant qu’il ne se rende ici on l’avait pourtant mis en garde,, sur l’importance de la mission sur le fait de ne surtout pas insister ou parler si jamais la prisonnière se remémorait ne serait ce qu’un infime souvenir. Mais en arrivant ici et en trouvant ici Azilys , toutes ces beaux avertissements avaient quitté l’esprit du rebelle en quelques fractions de secondes. 

Oh et puis merde à la fin ! Les autres rebelles n’ont qu’à pas élaborer des missions douteuses qui avaient toutes les chances au monde de foirer royalement. Et depuis quand on kidnappait des jeunes femmes innocentes incapables de faire mal à une mouche? Ce n’était clairement pas comme cela qu’Anderson lui avait présenté les idéaux et objectifs du mouvement quand il l’avait enrôlé.  Au diable Melvil et les autres, c’étaient aux qui avaient fait une erreur pas Jared qui n’avait que fait justice en rendant à Azilys un minimum de dignité. Oui de dignité, car il n’y avait rien de pire que de faire croire à une personne qu’elle en est une autre, il n’y  avait rien de pire que d’effacer une identité humaine.  Ce n’était pas lui allait devoir s’expliquer mais Melvil qui allait lui donner de bonnes explications; et elles avaient intérêts à être solide pour lui sinon Jared se ferait un plaisir de vérifier si son nez était solide. 

Azilys s’était effondrée sur le tapis au sol, secoué par de violents sanglots. Le monde qu’on avait construit  à sa place pour elle venait de s’écrouler et celui à qui elle avait donné sa confiance et peut être même plus se révélait être un mentor et un geôlier.  Jared se leva , s’approcha de la jeune femme et s’accroupit à ses côtés. 

“Oui tu as raison, c’était au Capitole.” fit-il simplement. 

Doucement il lui agrippa les poignets et les tira légèrement pour laisser apparaître son visage humide et déchiré par la peine et la douleur.  Il lui murmura d’une voix douce qui contrastait avec le ton graveleux avec lequel il s’exprimait depuis des années ; la même intonation qu’il aurait pu utiliser durant ses jeunes années de faste au Capitole. 

“Ils t’ont menti Az’...Ils nous ont mentis...Melvil n’a jamais été ton mari…”

Bon là Jared continuait à s’enfoncer un peu plus dans la merde dans laquelle il s’était mise ; il était en train de déglinguer la mission et il allait devoir établir un plan rapidement s’il ne voulait pas essuyer le courroux des rebelles ou pire.. Mais pour l’instant il s’en foutait impérialement, seuls comptaient Azilys et ses sanglots inconsolables. 

“Ecoute-moi...ecoute… Pour l’instant ils ne doivent pas savoir que tu es au courant ; ils ne doivent pas savoir que je t’ai “rendu la mémoire”. Pas encore , il est trop tôt… Promets le moi, fais comme si rien d’anormal ne s’était passé.”

Si la belle brune déballait tout ce qu’elle avait sur le coeur au moment où Melvil rentrerait elle mettrait par la même occasion Jared dans une situation assez délicate et l’ancien sportif avait besoin de plus de temps pour trouver une porte de sortie. C’était trop tôt , l’heure n’était pas encore venue…

“Ils ne doivent pas savoir…” répéta-t-il dans un souffle comme obsédé par cette idée.” Un jour oui ...mais pas encore…”

A ce moment et sans qu’il ne put vraiment savoir pourquoi ; il fut parcouru de tremblement. Un mélange d’émotions contradictoires se mêlaient dans son esprit embrumé et ils ne savaient plus quoi faire. Il avait peur , peur des répercussions que pouvaient avoir ces révélations; peur pour sa propre vie , peur pour Azilys. Mais il était également secoué par la colère, qui avait bien pu oser s’en prendre à elle et lui mentir de la sorte? Ils paieraient.  Et sans qu’il ne le sache vraiment il était réellement secoué et touché par les pleurs de la jeune femme; pourtant ils s’étaient quitté il y a longtemps , chacun avait tourné la page mais ces retrouvailles inattendues cachaient sans doute  quelque chose de fort qui avait l’effet d’une bombe émotionnelle. Ses lèvres tremblaient , ses mains aussi et de la sueur perlait sur son front pâle. 

Egalement en proie à une crise de panique , Jared raffermit sa prise autour des poignets d’Azilys la faisant encore un peu plus souffrir , physiquement cette fois , sans pourtant le vouloir. 

“ Ils ne doivent pas savoir Az’....ils ne doivent pas savoir ….ils ne doivent pas savoir ...sinon…”

Sa phrase fut coupée par un sanglot, des larmes se mirent à perler au coin de ses yeux. Dans un effort douloureux il acheva :

“Sinon ils vont nous tuer…”

Il posa son front humide et glacé sur celui plus chaud de la belle brune. Il lui souffla une dernière fois.

“Ils ne doivent pas savoir Az’ , promets-le moi….”

Confusion.

Il n'y avait pas de meilleur mot pour décrire l'état psychique dans lequel elle se trouvait actuellement. Même si ce mot à lui seul n'était pas assez complet. Elle ressentait tellement de choses en même temps : la peur, la haine, l'amour, le désir, l'angoisse, l'incompréhension. Les émotions étaient vives et paradoxales. Tout cet ensemble créait cette immense confusion dans laquelle elle était plongée et qui se traduisait extérieurement par de vives larmes et des sanglots qu'elle ne pouvait retenir. Et si tout ceci c'était passé en présence de Melvil, comment aurait-elle réagit ? Elle n'osait y penser.

Melvil justement était la source principale de tous ses doutes. Une petite, toute petite partie d'elle, celle qui avait vécu avec lui ne voulait pas croire à tout ça, se sentait manipuler dans l'autre sens. Et si c'était l'un de leur jeu encore ? Une façon de la faire parler ? Et si tout ça n'était pas vrai ? Peut-être qu'elle était dans le coma quelque part et que cerveau s'inventait des vies. Peut-être... Peut-être... Tout était tellement possible désormais, il n'y avait presque plus de certitudes. Il y avait une Az dans sa tête, et une autre Azilys qui avait remplacé la première momentanément. Tout aurait été plus simple si cette autre avait disparu en même temps que les souvenirs avaient refait surface. Au lieu de ça, elle se sentait comme dédoublé, avec une deuxième personnalité très minoritaire mais tout de même présente et franchement dérangeante. Il y avait les personnes qu'elle avait connu : ses parents, Xérès, Solveig, Jared, John, Melvil, Faye pour les plus importants. Tout le reste n'était que doutes. Un cercle vicieux qui l'amenait même à remettre en cause l'existence de ces personnes. Son esprit tournait en boucle passant de ses souvenirs vers ses certitudes, vers le présent, les mensonges, les émotions, alors les possibilités émergeaient et la méfiance avec et puis elle se rattachait à ses certitudes pour s'en échapper, et ainsi de suite. Néanmoins chaque tour la faisait sombrer un peu plus dans une sorte de paranoïa extravagante. Le chaos et l'ombre.
Tel le noir incomplet qu'elle pouvait voir entre ses doigts, ses larmes et derrière ses paupières.

Et puis Jared apparu sans qu'elle ne résiste, lui ouvrant les yeux et l'esprit sur une certaine réalité. Était-ce la bonne ? Il n'y avait aucun moyen de le savoir et même si elle avait peur de se trouver au-dessus d'un gouffre et d'y tomber au détour d'une nouvelle révélation improbable, il n'y avait qu'un seul chemin. Celui d'être Az et d'avoir connu Jared et d'autres personnes avant d'avoir été trompé. Il n'y avait pas tellement d'autres choix à faire... Et puis, après Xérès, Jared semblait être la personne la plus fiable qu'elle avait pu connaître. Dans ses souvenirs en tout cas.
Alors elle pleurait toujours et elle était toujours secouée de sanglots mais elle écoutait. Elle écoutait un Jared fatigué et qui paraissait lui aussi de plus en plus confus. Il répétait sans cesse cette phrase qui finissait par la rendre dingue. Et à chaque fois, elle tapait sa tête dans le mur derrière elle. Elle ne le faisait pas très fort, ni de manière particulièrement notable. Seule moyen qu'elle avait trouvé pour exprimer son mécontentement envers son double et ces paroles.
Ils ne doivent pas le savoir...

Elle s'en moquait tellement. Elle ne voulait pas revoir Melvil, elle ne voulait pas rester ici. Elle voulait rentrer chez elle, reprendre sa vie, voir ses parents et ses amis. Elle ne voulait surtout pas jouer à être l'autre Azilys. Prétendre être cette poupée innocente. Prétendre être sa femme encore, et jouer à l'être comme elle l'avait fait sans le savoir. Et avoir des sentiments pour lui. De l'amour à la haine... Elle le détestait. Jamais, jamais, jamais elle ne voulait le revoir.
Parmi toutes les trahisons, celle du cœur était la plus difficile à supporter. Alors que c'était la moins importante !
Son mari était mort. (L'était-il ?) On l'avait tabassé et ce qui lui importait le plus, c'était... Elle s'énervait elle-même. Et mon mari alors ?!
Non son mari, elle en avait déjà fait le deuil. Même sans se souvenir. Et maintenant, il ne lui manquait pas. C'était de sa faute tout ça. Il avait fait d'elle un ombre, une poupée ridicule. Elle le détestait plus que Melvil encore. Elle se souvint alors de faits étranges, de lettres écrites, d'une échappatoire qu'elle avait commencé à rechercher. Et pour une fois, d'une certaine façon, elle avait eu de la chance. Enrobée de beaucoup de malheurs.

Et puis Jared prononça des mots absolus qui refrénèrent ses larmes et ses sanglots. Pas qu'ils ne l'avaient apaisé, seulement ils prenaient sens et devenaient plus important que le reste. Survivre, elle et lui. C'est pour ça qu'elle doit mentir. Son front se posa contre le sien et elle fronça les sourcils sans bouger.

- Je... Je te le promets.

Les mots venaient difficilement, entre les restes de ses pleures et de ses sanglots ainsi que les coulées diverses. Elle devait avoir bonne mine. Et la gorge bien nouée pour le reste. De temps en temps, un sanglot la secouait encore. Était-elle vraiment en train de faire cette promesse ? Allait-elle la tenir ? Elle ne pouvait le dire. On lui avait tellement menti qu'elle n'était pas sûre d'être capable de promettre quoi que ce soit. Mais elle pouvait au moins essayer.
Cependant, il y avait peut-être d'autres portes de sortie.

- Je veux rentrer chez moi, revoir mes parents, Xérès... Est-ce qu'ils vont bien au moins ? Ils doivent me chercher partout ! Est-ce que John est mort ?
Oooh Jared, je n'en peux plus d'être enfermée ici, je n'en peux plus...
D'ailleurs, ici ? Où sommes nous ?

Souviens-toi de moi...

Du Eric Clapton pour l'ambiance ;D

Elle était totalement désemparée ce qui était plutôt compréhensible puisque pour elle un monde s’écroulait , un monde qu’elle croyait être le sien mais qui en réalité n’était qu’une illusion érigée pour dissimuler la réalité qui se trouvait derrière.  A vrai dire Jared non plus n’était pas dans une situation confortable : avec ce brusque retour de mémoire Azilys risquait gros et par conséquent le barman aussi mais c’était surtout le fait de devoir la laisser ici , l’abandonner à ses geôliers et la supplier de continuer à jouer celle qui ne l’était pas qui lui brisait le coeur. Qui savait comment Melvil réagirait après avoir découvert le pot aux roses?  Tout cela ne pouvait finir que dans la violence. 

Le destin était parfois ironique et souvent cruel ; parmi toutes les captives potentielles du Capitole il fallait que ce soit Azilys ; parmi tous les rebelles susceptibles d’être envoyés au Douze pour cette mission de routine il fallait que ce soit Jared. Et voilà qu’ils se retrouvaient à présent, les visages à quelques centimètres l’un de l’autres traversés par une angoisse paralysante alors même qu’ils ne pensaient plus jamais se revoir. Tout se déroulait comme s’il y avait quelqu’un là haut qui s’amusait à séparer douloureusement leur trajectoires avant de les faire se désunir pour plus tard les réunir à nouveau avant une nouvelle séparation et ainsi de suite ; comme si c’était écrit que leur destin étaient à jamais liés mais que jamais ils ne pourraient avancer ensemble.

 Puis elle accepta , le lui promis ; elle mentirait à Melvil. Jared se détendit légèrement même si ses doutes étaient encore bien présent : serait-elle assez convaincante? Il n’avait pas d’autres choix que de lui faire confiance. Vivre dans le mensonge, dans la simulation et de facto dans une forme de solitude où l’on ne peut croire que soi-même ; tel était le quotidien qui était désormais réservé à la jeune femme et Jared savait bien qu’il n’y avait rien de plus compliqué pour un être humain de ne pas pouvoir être soi-même. 

D’un air affolé elle demanda des nouvelles de ses proches avant de se demander où elle était; le veuf recula légèrement son visage et posa une main ferme sur les épaules à la fois pour la rassurer et pour l’empêcher de se frapper une nouvelle fois l’arrière du crâne contre le mur.

“ Je ne sais pas Az’...Tout ce que je sais c’est qu’ils te croient morte et ont continué leur vie après avoir porté le deuil. Ton mari est bien mort. Et ici nous sommes au Douze dans le Village des Vainqueurs bien plus précisément , très loin de chez toi trop loin de chez toi.  Fuir reviendrait à signer ton arrêt de mort tu n’atteindrais jamais le Capitole; je sais que c’est dur pour toi mais tu dois rester ici jusqu’à ce que je te trouve une porte de sortie, une opportunité. Et j’en trouverai une je te le promets. “

Il sortit de sa ceinture un pistolet chargé qu’il tendit à son ancienne amante. 

“Prends-le et cache le ; ne t’en sers qu’en situation d’urgence si tu n’as pas d’autres choix. Mais l’urgence arrive n’hésite pas car d’autres n’hésiteront pas. “

Elle prit l’arme et Jared lui passa quelques munitions supplémentaires.

“Je vais essayer d’avoir des nouvelles de ta famille , de Xérès et les autres ; je te tiens au courant dès que j’ai quelque chose.”

Il jeta un coup d’oeil  à l’horloge qui trônait au milieu du salon ; il devait y aller à présent, laisser le temps à Azilys de se calmer et faire comme si tout allait bien avant l’arrivée d’un nouveau garde ; lui devait rentrer au Quatre annoncer à Anderson qu’il avait achevé sa mission comme si de rien n’était. 

Il déposa un baiser sur le front de la jeune femme ; ils n’avaient plus été intimes depuis leur dernière nuit avant la rupture et Jared ne comptait pas la brusquer avec des initiatives de rapprochement d’ailleurs il ne savait pas lui-même s’il en avait vraiment envie. Il avait toujours aimé Azilys mais il ne voulait plus s’engager de trop au risque de se faire à nouveau du mal car entre eux cela ne pouvait jamais bien se finir, jamais.  Toutefois dans ce petit geste d’affection le rebelle essaya de transmettre sa confiance, son empathie et aussi une part de son amour pour elle qui avait longtemps été dormant mais jamais ne s’était éteint.

“Je dois y aller mais je reviendrais je te le promets et alors tu n’auras plus à t’en faire. Tu seras enfin toi-même, je serai enfin moi-même.”

Après un dernier regard il tourna les talons et sortit du pavillon avant de se diriger rapidement vers le Cobra. Au fond de lui la peur et la surprise cédait peu à peu du terrain à sa colère , une rage qui pouvait le rendre très violent.  Ils n’auraient pas dû toucher à Azilys, ils n’auraient pas dû la rapprocher de lui. Jared avait à présent deux mots à dire avec ce salaud de Thorne.