La vie n'est pas un jeu...

Bella & Abigail

Voilà trois heures que les poissons me passent entre les mains tendis que je les vident. Je me concentre pleinement à la tâche pour ne pas réagir aux rires à peine retenus de mes collègues qui ne cessent de lancer des rumeurs à mon égard, des fois, j'ai l'impression d'entendre des Capitoliennes, ces mêmes qui ont amenées mon fils à la mort. Elles pouffent, inventent, surenchérissent et lorsqu'une commet le péché de dire que je me « tape » le vieux pécheur solitaire du port, je me retourne furibonde, mon visage est tordu par la colère, mais elles continuent de rire en nettoyant leurs poissons. J'ai juste entaillé le mien et les entrailles ne sont pas vidées, et tant mieux, je le lance sur la femme en question.

Avant que cela ne dégénère et que l'autre bonne femme réplique, je pars en courant et une fois sortie, je lance mes bottes en caoutchouc et mon tablier contre le mur, puis je continue nue pied, pendant que les gens s'écartent à mon passage. Je veux me rendre sur la plage, mais il y a trop de monde, je bifurque par plusieurs rues avant de sentir le sable sous mes pieds. Je m'assoie dans le sable et passe mes mains dessus, le fait couler entre mes doigts. Sans vraiment m'en rendre compte, j'entreprends de faire un château de sable, concentrée de nouveau sur une tâche plus ou moins importante, j'arrive à me calmer. Le soleil est sûrement au zenith vu la chaleur. Je me relève doucement et pars tremper mes pieds dans l'eau et je retourne à ma tâche.

Pour qui elles se prenaient ces femmes là ? A lancer sans cesse de pareilles âneries à mon égard. Tandis que je passais de l'eau sur mon visage, j'essayais de penser à autre chose, et je décidais de reprendre mon ouvrage. J'allais apporter la touche finale quand une ombre se pointa derrière moi. Brune, le regard et la posture assurée, une carrière. Je m'énervais déjà intérieurement.

« Qu'es-ce que tu me veux ? »