« Grace accélère ou on va louper le train ! »

Giuliano, mon patron, me sermonna gentiment mais fermement. J’avais eu beaucoup de mal à trouver le sommeil, et ma nuit avait été très courte, trop courte. Romain hantait mes pensées, et l’idée de le revoir après tant d’années m’empêchait de fermer l’œil. Je ne savais pas à quoi m’attendre, et cela m’angoissait. Je m’habillais en un temps record et en moins de dix minutes nous étions à la gare, attendant le train qui allait nous mener au district 12. Une panne d’ascenseur que je bénissais avait faire requérir la présence de mon mentor sur place, et j’avais discrètement proposé de l’accompagner, argumentant que cela participerait à ma formation. Il avait cependant rapidement compris ma véritable motivation, et il accepta sans sourciller.

Le trajet était assez loin, mais je ne réussis néanmoins pas à rattraper le sommeil perdu. Je ne tenais pas en place et faisait des allers-retours dans le wagon pour calmer mon impatience. Pour ne pas inquiéter trop Giuliano, je prétextais d’aller aux toilettes pour faire un tour dans le train et me calmer un peu. Après un temps qui me parut interminable, le train s’arrêta enfin en gare du 12.

Je descendis du train, machinalement, l’image de Romain occupant tout mon esprit. Allait-il me reconnaître ? Allais-je le reconnaître ? Il devait avoir pas mal grandi en quelques années, mais je savais que lorsque je le verrai, je n’aurai plus aucun doute. Je suivis machinalement Giuliano, mais regardais attentivement tout autour de moi, espérant apercevoir un visage familier. Sans succès. Mon cœur battait à la chamade dès que j’apercevais la silhouette d’un jeune garçon et je retenais difficilement un soupir de déception lorsqu’il se retournait et que je pouvais voir son visage.

Nous avions atteint la mine en question après dix minutes de marche. Giuliano m’adressa un clin d’œil et me glissa d'un air complice:

« Je n’ai plus besoin de toi, tu peux aller… te balader. On se retrouve à 18h pour le train. »

D’un mouvement de tête, je le remerciais et tournais aussitôt des talons. Je ne savais pas où commencer, le district était si grand, il y avait tellement de monde. Prenant une grande inspiration, j’entrepris ma recherche. Je commençais par le centre-ville et les grandes rues autour de celui-ci. « Ce n’est clairement pas le moyen le plus efficace, me sermonnais-je, mais je n’arrivais pas à me décider d’aller vers les gens. Pour leur dire quoi ? Peut-être est-il vers un quartier plus pauvre, plus à la périphérie, vers les mines. Sans penser à la vie qu’il pourrait mener là-bas, je me dirige dans cette direction. Les rues sont désertes, il n’y a pas un chat. Je marche seule, sans témoins, sans personne, que mes pas qui résonnent. Je marche seule. Les adultes doivent travailler et les enfants doivent être à l’école. L’école ! Ca fait tilt dans ma tête. Evidemment qu’il doit être à l’école, peut-être je le verrai depuis la cour de récréation. Je fais demi-tour, surexcitée, et marche tellement vite que je cours à moitié.


J’ouvre doucement les yeux, mais malgré ça il fait toujours noir. Ma tête me fait horriblement mal, j’y porte instinctivement la main. Un liquide chaud coule sur ma nuque, sur mes doigts. Paniquée, je regarde autour de moi. Il fait très sombre, je n’arrive pas à distinguer grand-chose. Je me souviens alors comment je suis arrivée ici. Je marchais trop vite j’ai glissé dans la boue et des planches qui devaient boucher un trou ont cédé sous mon poids. A gauche, à quelques mètres au-dessus du sol, on pouvait apercevoir le trou par lequel j’étais tombé. Mais il était beaucoup trop haut, et les parois étaient beaucoup trop lisses pour que je puisse espérer les escalader. Je regardais autour de moi, rien ne pourrait me permettre de remonter, pas d’échelle, pas de corde. Je commençais à paniquer. M’efforçant de rester calme, je me postais sous le trou, pris une grande inspiration pour crier de toutes mes forces :

« Eh oh ! Ya quelqu’un ? Je suis tombée dans la mine, venez m’aider s’il vous plait ! »

Je doutais que quelqu’un m’entende, vu le peu de monde que j’avais vu quelques minutes auparavant, mais je continuais à appeler à l’aide jusqu’à trouver une meilleure solution.