Je veux pas d'emmerdes [pv: Twysden Pryce]

Debout les mains dans les poches de son blouson, Olga observait Sel et Aslaug s'ébattre dans la cour de l'élevage. Un autre chien de l'exploitation, une bestiole étrange et hargneuse issue de métissages improbables, comme la plupart des cabots du coin, venait épisodiquement leur chercher des noises. Le petit monstre velu au visage de chauve souris était rapidement refoulé à chaque fois mais revenait. Olga devinait à ce comportement obstiné la proximité des chaleurs d'Aslaug. D'ici quelques jours il lui faudrait prendre la décision de se passer de sa chienne quelques jours et de l'enfermer. Ou bien elle pouvait la laisser s'accoupler. C'était une idée: des chiots, pourquoi pas?

Elle pourrait vendre une partie de la portée car les bons chiens valaient cher, et garder un ou deux chiots qu'elle entrainerait pour pouvoir garder un troupeau plus grand. De cette manière son salaire serait plus important. Olga se corrigea intérieurement: elle n'était pas ici pour prendre de l'avancement en tant que bergère! Elle n'avait largement pas l'intention de passer sa vie au milieu des moutons, bestioles somme toute sympathiques mais relativement peu intéressante à la longue. En revanche, dresser les chiots d'Aslaug elle même et les revendre après pourrait être le début de sa propre affaire...

Tout cela méritait une réflexion plus approfondie qui ne se ferait pas dans de bonnes conditions enfoncée jusqu'au chevilles dans la boue d'une cour pleine de courants d'air. Autant en finir tout de suite avec cette journée et aller penser au sec dans son grenier à foin. Olga siffla une fois entre ses doigts pour battre le rappel de ses chiens. C'était deux coups rapides pour Sel, un coup long pour Aslaug et un petit coup sec pour les deux. Elle n'utilisait leurs noms que pour capter leur attention avant un ordre, le code de sifflement évitait les confusions. Sel vint se mettre au pied tout de suite mais sa compagne comme à son habitude se montra moins enthousiaste mais fini par arriver à son tour.

"Sel, Aslaug, au pied." ordonna doucement Olga d'une voix rendue rauque par une journée passée à hurler des instructions à ses chiens.

Elle se dirigea aussitôt vers un hangar situé à quelques dizaines de mètres de là, ses deux bêtes marchant de part et d'autre d'elle, légèrement en retrait. Avant de finir sa journée, Olga devait encore aller vérifier que les moutons dans leur bergerie ne manquaient de rien et qu'aucun d'eux n'avait l'air malade. Tout semblait en ordre: mangeoires et abreuvoirs étaient pleins, les bêtes semblaient aller bien. Sa rapide vérification la satisfaisant, la jeune femme changea rapidement de bâtiment. Ce qu'on avait pompeusement qualifié d'appartement quand on l'avait installée était située au deuxième étage d'une grange de stockage non loin de la bergerie.

Pour arriver chez Olga, il fallait commencer par monter un petit escalier raide et traverser un stockage de foin avant d'arriver à une cloison percée d'un trou recouvert d'un rideau. Sa chambre était là: un poelle était l'élément mobilier le plus sophistiqué. Son mobilier était de bric et de broc, on ne peut plus bricolé. Olga se laissa tomber sur son canapé (deux bottes de pailles et un plaid), enleva ses chaussures puis croisa les jambes sur sa table basse (une grosse malle en fer), pendant que les chiens s'installaient sur son lit (un matelas par terre) et qu'elle s'allumait une cigarette (du marché noir). Quand elle entendit des pas, Olga ne regarda même pas vers la porte. Un autre berger venu jouer aux cartes certainement.

Tu veux pas d'emmerdes ?

Un des gars était venu frapper chez moi ce matin. On avait encore raté un braconnier … Le fumier. La vérité était pourtant simple : ces fils de salauds connaissaient mieux les bois que nous. Y’avait rien à faire, ils devaient faire ça depuis des lustres, bien avant qu’on ne resserre les patrouilles … Penser qu’ils devaient trainer là depuis des mois, voire des années, et après aller revendre leur butin sur le marché noir … Ah ! Ca me mettait hors de moi.

J’étais arrivé au QG peu après dans une colère noire. Je m’étais approché de celui qui avait mené la traque et je l’avais collé contre un mur, mon poing menaçant sérieusement de se planter dans sa figure.

« Putain, tu sers à quoi, hein ?! Tu sers à quoi sérieusement ? Même pas capable de chopper un gamin qui court dans la forêt ! Mais ils t’ont appris quoi à la Noix, à part à enfiler ton uniforme, hein ?!! »

Alors que mon coude s’était relevé, attendant de frapper, quelqu’un avait saisi mon bras au vol violement et m’avait bousculé. Je n’attendais que cela, j’avais besoin de cogner dans quelque chose, mais lorsque je pivotai, c’était mon supérieur qui me toisait. Je pris immédiatement la position droite du salut.

« Monsieur. »
« Pryce ! Tout le monde ici est coutumier de vos emportements et de votre mépris pour le règlement. Certains trouvent même ça divertissant lorsque c’est dirigé contre un ennemi du Capitole. Mais je ne tolèrerais pas de bagarre de gonzesse au sein de mon unité. C’EST CLAIR ?!! »
« Oui Monsieur. »

Oui Monsieur, non Monsieur. Putain, ce que j’avais hâte de prendre sa place à celui-là. Cela viendrait un jour prochain ; il n’avait pas l’estomac qu’il fallait pour éliminer le district de la racaille. Mais en attendant je devais baisser les yeux et acquiescer. Lorsqu’il partit, je lui emboitai le pas. On ne pouvait pas se laisser distancer comme ça par des hors-la-loi, il fallait que cela change. J’avais bien une idée, mais cela impliquait que je parte au District 10 pour la journée. Il me libéra volontiers ; vu mon état je le soupçonnais d’être simplement content de m’éloigner de la caserne.

Je pris donc le premier train du matin vers le district 10. C’était un train de marchandise … Pas bien confortable, et peu de compagnie. Mais là encore, vu mon humeur massacrante, c’était sans doute mieux ainsi. Le voyage me parut durer une éternité mais finalement, j’arrivais là-bas. C’était la fin de l’après-midi et le soleil commençait déjà à tomber. Je pestais intérieurement ; je n’allais même pas arriver à temps au D8 pour voir la fin de la diffusion des Hunger Games de la journée. Mais c’était secondaire ; un plaisir qui passait bien après mon travail et ma vocation.

Arrivé au dix, j’avais fait le tour du district à la recherche d’un éleveur de chien. L’objectif était clair : nous en obtenir deux ou trois pour pouvoir rattraper et retrouver les prochains petits malins qui croyaient pouvoir nous échapper. J’avais fait le tour, me rendant d’abord au centre des pacificateurs du dix pour me faire conseiller. Mais le dix était un district plutôt calme en terme de braconnage, et les pacificateurs d’ici me semblaient tous bien campé dans leur fonction. Quelle honte … J’avais donc parcouru le district seul, à la recherche de quelqu’un qui pourrait convenir. Ca n’était pas tâche aisée car la plupart des gens n’avaient pas une affection grandissante pour les personnes de ma profession, et je reçu quelques refus que je pouvais difficilement contester : ce n’était pas mon district, je n’avais pas l’autorité pour leur faire ce que j’aurais fait dans mon district face à un refus. Ils disaient pour la plupart ne pas avoir le temps ou ne pas être assez qualifiés. Je comprenais sans peine qu’ils ne voulaient pas « se rendre complices » de ma mission.

Après quelques tours, j’arrivais près d’une exploitation lorsque j’entendis un sifflement. Je vis deux chiens foncer dans une direction et je les suivi du regard alors qu’ils disparaissaient derrière un bâtiment.

« Sel, Aslaug, au pied. »

Je pris aussitôt la direction du bâtiment en question. Je vis une jeune femme rentrer dans une grange, les chiens sur les talons. Je ne l’appelai pas tout de suite, préférant toujours respecter une phase d’observation. Puis je frappais. Pas de réponse. J’entrai dans le bâtiment jusqu’à arriver à une sorte d’étage. Là j’appelai.

« Mademoiselle ? »

J’avais retiré mon masque de pacificateur pour pouvoir discuter calmement, et en signe de « bonne foi ». Les gens vous trouvaient toujours plus sympathiques lorsqu’ils pouvaient vous regarder dans les yeux, et entre nous mon visage en inspirait plus d’une.

« Excusez-moi de vous déranger. Je suis le pacificateur Pryce. Ces chiens sont à vous ? »

Un large sourire s’étira sur mes lèvres avant que je ne la regarde et lui tende ma main. Tout avait échoué jusque-là, j’allais tenter de sympathiser. Peut-être qu’avec un peu de charme, j’arriverais davantage à mes fins. Et puis elle était pas mal pour une petite bergère. Je n’aurais peut-être même pas besoin de reprendre le train ce soir après tout.

« Pardonnez-moi, où sont mes manières … Je commence par les chiens alors que je devrais commencer par vous. A qui ai-je l’honneur ? »

Les chiens commencèrent à s'agiter à mesure que les pas se rapprochaient. Cela commenca doucement: Sel leva son oreille valide sans bouger la tête, signe qu'il était intrigué. Aslaug, elle, leva son museau de ses pattes et se mis à fixer la porte. Ils étaient trop bien dressés pour se mettre à aboyer mais Olga entendait d'ici la vibration sourde qui sans être un grognement annonçait les jappements contenus des deux animaux. De toute évidence celui qui s'approchait était un inconnu, car Sel et Aslaug avaient trop d'adoration pour Olga pour ne pas entretenir plus qu'une indifférence polie à l'égar de ses amis, bien trop pour manifester la moindre agitation en les entendant arriver.

La bergère à son tour tourna les yeux vers la porte. Trois mamifères aux allures hétéroclites fixaient désormais l'affreux rideau à fleur qui fermait l'entrée de leur logis. Une main le repoussa et un homme charmant en uniforme de pacificateur se superposa à l'ignoble tissu fleuri. Olga resta stupéfaite face à cet évennement dépourvu de sens: cela lui faisait le même effet que si elle avait trouvé en rentrant chez elle un de ses moutons sur son canapé qui lui aurait dit "Bonsoir chérie, tu as passé une bonne journée?". Elle resta en arrêt, des yeux hallucinés fixés sur le pacificateur, vaguement consciente d'avoir une cigarette de contrebande en main, dont la cendre venait de lui tomber sur le pantalon.

Le pacificateur semblait badin. Déjà il l'avait appelé "mademoiselle" et pas "eh! la lesbienne!" ou juste "eh!" comme l'aurait fait ses petits copains en noir. Louche. Il lui demanda d'abord si Aslaug et Sel étaient ses chiens. Ce fut à ce moment là qu'Olga revint à la réalité. Complètement con le bidasse? Les deux bestioles étaient vautrées sur son lit comme si l'objet leur appartennait! Elle tapa la cendre de sa cigarette dans le cendrier à coté d'elle, puis tira une bouffée dessus.

"On dirait bien." répondit elle dans un petit nuage de fumée, réfrenant son envie d'une réplique acide.

Le surréalisme poussa plus loin quand il lui tendit la main en lui demandant à qui il avait l'honneur. Olga se redressa et serra la pince qui lui était tendue avec vigueur mais prudence. Un pacificateur poli qui lui serrait la main, l'appelait mademoiselle et lui causait de ses chiens, c'était de plus en plus louche. Une chose était sure désormais: il venait pour quelque chose d'autrement moins évident que les clopes du marché noir, seul produit ou presque qu'elle achetait hors des circuits légaux.

"Olga." répondit elle tout en poussant du pied un tabouret vers le pacificateur. "Olga Burns. Prenez un siège, visiblement vous avez des choses à dire."

Mais quoi? Visiblement il n'avait pas l'intention de l'arrêter. Si c'était le but ils seraient venus à trois, l'aurait saucissonnée et certainement descendus les chiens. Ce serait déjà fini. Les objectifs de l'homme restaient totalement hermétiques.

Tu veux pas d'emmerdes ?

La jeune femme me fixait avec incompréhension. Elle tenait sa cigarette à la main, et continuait à tirer dessus quand la plupart des gens l’auraient éteinte rapidement et tenté de la dissimuler. J’étais tiraillé entre amusement –visiblement elle était du genre courageuse ou folle- et énervement. Les Pacificateurs de ce district ne leur avait visiblement pas appris qui faisait la loi, ou comment se comporter face à une personne représentant l’autorité. Mon sourire s’allongea lorsqu’elle répondit.

« On dirait bien. »

La réponse était déjà à la limite de la provocation, et je sentais à son ton qu’elle avait pourtant autre chose à ajouter. Elle n’avait pas sa langue dans sa poche ; et bien que cela puisse être divertissant dans un lit, j’avais tout de même une folle envie de lui apprendre les bonnes manières. Mais je conservais un masque de douceur et d’amicalité. Je n’étais pas là pour elle, mais pour ses talents.

« Olga. Olga Burns. Prenez un siège, visiblement vous avez des choses à dire. »
« Olga. » répétais-je.

Elle avait poussé une sorte de … Siège vers moi. Elle était vive d’esprit et avait bien compris à mon attitude que je n’étais pas là en ennemi … Pas en ami non plus ; j’avais besoin de quelque chose qu’elle pouvait me donner. Je m’assis donc en face d’elle.

« Ce sont de bons chiens que vous avez là … Ils m’ont l’air particulièrement bien dressés … Combien vous a-t-il fallu de temps pour obtenir un tel résultat ? »

J’allais aller droit au but ; mon temps était précieux. Le sien ne semblait pas forcément l’être puisqu’elle était vautrée là à fumer entourée de ses animaux, mais moi j’avais un travail à faire. Je n’irais pas par quatre chemins.

« Je travaille dans le district 8. J’aurais besoin de quelqu’un pour m’élever et me dresser disons trois chiens comme les vôtres, pour traquer des animaux ou des personnes dans la forêt. Ça payerait bien. »

Je n’allais pas entrer davantage dans les détails avant de savoir si elle avait le temps, l’envie et la motivation pour réaliser cette tâche.

« Je vous ai aperçu avec vos chiens, et j’ai pensé que vous étiez peut-être la personne qui pourrait m’aider … Qu’en pensez-vous Olga, me suis-je trompé ou ais-je frappé à la bonne porte … »

Je souris, toujours désireux de la mettre à l’aise. Je ne voulais pas qu’elle soit rebutée par ma fonction, ce qui avait trop souvent conduit les gens d’ici à me donner une réponse négative. Il fallait la mettre en confiance, et quoi de mieux pour ça qu’un sourire et une petite plaisanterie ? La plupart des gens n’avaient pas besoin de beaucoup plus pour révéler leurs secrets les plus noirs …

« Ou le cas échant, au bon rideau ? »

Je n’étais pas non plus idiot ; elle achetait des clopes sur le marché noir, elle ne devait pas être une grande patriote, ni une fan de l’autorité. Pour cela j’appuyais – en plaisantant évidemment – sur le fait qu’elle n’était visiblement pas riche. C’était ma chance ; l’appât du gain. J’avais eu une enveloppe à utiliser pour ce travail, et même si elle n’était pas épaisse, c’était déjà une mine d’or pour n’importe quel habitant de ces districts … Sans parler du fait que le 10 semblait encore plus pauvre que le mien …

Oui c'était bien pour les chiens qu'il était venu, puisque après s'être assis l'homme embraya à nouveau sur les compagnons d'Olga et plus particulièrement leur dressage. Sel et Aslaug étaient les seuls fiertés de la jeune femme et entendre leurs louanges, même dans la bouche d'un pacificateur la remplissait d'une joie secrète. Néanmoins elle conserva sur le visage un air absolument neutre et s'octroya un temps de réflexion avant de répondre à Pryce. Olga aimait parler de ses chiens, mais ils ne cessaient d'apprendre des nouvelles choses et un léger délai lui était nécessaire pour affirmer combien de temps lui avait pris le dressage basique des deux bêtes.

"J'ai eu le blanc tout jeune et j'ai commencé tout de suite. J'ai mis trois mois à lui apprendre les ordres de base. Pour le reste j'ai du attendre qu'il soit grand, là c'était un peu plus long un an et des brouettes parce que pour faire son boulot c'est pas qu'une question de dressage mais aussi d'expérience." Olga marqua une courte pause pour bien différencier les cas des deux chiens et en profita pour tirer une autre bouffée de cigarette. "Le chien-loup c'est autre chose. Elle je l'ai eu elle avait déjà plus d'un an et elle était à moitié sauvage. Mais au final ça a du me prendre un an et demi pour qu'elle réponde parfaitement. Cela dit ils apprennent souvent de nouveaux ordres encore maintenant."

Le pacificateur repris la parole. Olga s'avança vers lui, les coudes posés sur les genoux et l'écouta attentivement la tête penchée sur le coté. Il voulait des chiens de piste donc. Pas de soucis, même le vieux Sel savait suivre une odeur pour retrouver un mouton égaré. Elle savait faire. Pryce voudrait certainement que les chiens sachent attaquer ou plaquer au sol, mais ce qui était demandé était dans l'absolu simple. Une paisible satisfaction envahi Olga: enfin on lui proposait le job qu'elle attendait. Bien sûr comme tout le monde, elle n'aimait pas les pacificateurs. Mais elle n'aimait pas les rebelles non plus. En revanche, elle aimait les chiens et les primes surprises.

"Vous déconnez? Ca fait des années que j'attends qu'on me propose un boulot comme ça! Les moutons je les aime en ragout pas sur pied à courir dans tous les sens." déclara-t-elle en écrasant sa clope, ignorant soigneusement la plaisanterie. "Qu'est ce que vous attendez de moi exactement?"

Quel type de chien? Grand et solide ou plutôt petit et souple? Privilégier le flair ou l'agressivité? De combien de temps Olga disposait-elle pour livrer les chiens? Les questions étaient nombreuses et elle allait dès demain jeter son bâton de bergère à la face de l'enflure qui lui servait de patron pour se mettre en quête des chiots qu'il faudrait à ce pacificateur Pryce. Si elle lui refilait des jeunes chiens parfaits, il la recommanderais peut être...

Tu veux pas d'emmerdes ?

« J'ai eu le blanc tout jeune et j'ai commencé tout de suite. J'ai mis trois mois à lui apprendre les ordres de base. Pour le reste j'ai dû attendre qu'il soit grand, là c'était un peu plus long un an et des brouettes parce que pour faire son boulot c’est pas qu'une question de dressage mais aussi d'expérience. Le chien-loup c'est autre chose. Elle je l'ai eu elle avait déjà plus d'un an et elle était à moitié sauvage. Mais au final ça a du me prendre un an et demi pour qu'elle réponde parfaitement. Cela dit ils apprennent souvent de nouveaux ordres encore maintenant. »

J’écoutai avec attention tout ce qu’elle disait, avant de soupirer. Un an, voire plus. C’était trop long, beaucoup trop long. Trois-quatre mois, ça pourrait faire l’affaire … Mais je me demandais ce qu’elle entendait par « ordre de base ». L’idée de prendre des chiens pour nous aider au huit était brillante ; mais elle ne fonctionnerait qu’avec des chiens compétents. Lorsque je lui demandais si elle serait motivée pour le job, sa réponse ne se fit pas attendre.

« Vous déconnez? Ca fait des années que j'attends qu'on me propose un boulot comme ça! Les moutons je les aime en ragout pas sur pied à courir dans tous les sens. Qu'est-ce que vous attendez de moi exactement? »

Que tu fasses ton boulot. Qu’est-ce que j’en savais moi, je n’étais pas éleveur de chien à ce que je sache.

« Honnêtement, ça m’est égal. Je ne suis pas expert en élevage, ça c’est votre job. Des vieux, des jeunes, des gros, des petits … Ca n’a aucune importance ; ce qui compte c’est qu’ils soient efficaces. Je suppose que certains se dressent mieux que d’autres ? »

Je n’avais pas peur d’avouer mon ignorance à ce sujet ; elle aurait rapidement vu que je n’y connaissais rien et je n’appréciais pas de passer pour un rigolo. Il fallait réfléchir aux informations qui pourraient être pertinente pour elle.

« Je ne veux pas de chiens d’attaque, je veux des traceurs. Il faut qu’ils puissent retrouver des gens ou des choses, mais il n’est pas nécessaire qu’ils interviennent. Ca reste mon travail. Idéalement, si cela pouvait être fait en 3 mois, ça serait le top. Plus de six mois, ça sera trop long. »

Je la regardais continuer à tirer sur sa cigarette avec audace. Si je n’avais pas eu besoin d’elle … Je me retenais de lui faire une reflexion avant de reporter mon attention sur les chiens, et de continuer.

« Si vous avez besoin d’une race particulière, vous pouvez me le dire et je peux m’occuper d’ouvrir les portes qui mènent à leur obtention. Je veux ce qu’il y a de mieux, donc on ne s’arrête pas sur les moyens ou les prix. »

Je ne voulais pas qu’elle se limite à des batards histoire de faire des économies ; on ne lésine pas sur les moyens d’arrêter des hors-la-loi. Enfin, il fallait qu’elle sache exactement ce que j’attendais d’elle sur le long terme.

« Vous pourrez les dresser ici, mais j’aurais sans doute besoin que vous veniez faire un séjour au district 8 pour former mes hommes à la façon de les utiliser. Cela posera-t-il un problème pour vous de vous absenter ? »

Price se refroidit sitôt qu'Olga accepta le boulot: logique, plus besoin de lui faire du charme pour qu'elle dise oui, maintenant c'était lui le patron. Elle accepta cet état de fait sans en ressentir de contrariété, c'était comme ça à présent elle était son employée et ça lui convenait. Quelqu'un qui n'avait jamais été son propre chef ne pouvait pas être contrarié pour ce genre de broutilles. Olga ne faisait que changer d'employeur, passant d'un propriétaire d'élevage à un pacificateur, sans compter que le travail proposé par ce dernier était bien plus intéressant que celui qu'elle avait jusqu'alors.

L'homme n'avait pas de préférence au niveau des chiens, de leur carrure ni de leur age, lui laissant entièrement champs libre sur le sujet. Immédiatement le premier choix d'Olga se fixa: la race bloodhound lui semblait idéal. C'était des chiens dociles, mais grands et rapides avec le meilleur flair de toute la gente canine. On en trouvait plus de pur-race, mais il existait quelques spécimens de bâtards qui gardaient les caractéristiques de leurs glorieux aïeuls. Sinon il restait quelques autres races appropriées. En fait n'importe quel chien courant ferait l'affaire. Pour ce genre de travail, il fallait une race de bon chasseur.

"Ça dépend du caractère plus que de la race selon moi. Il faudra que je puisse faire des sélections sur les chiots."

Olga espérait qu'elle pourrait choisir les chiens plutôt que de se voir réceptionner une caisse contenant l'exact nombre de chiots que Price avait fixé. L'idéal serait de trouver une lignée dans le District lui même, ainsi elle gagnerait du temps, car le délai de trois à six mois était très très court et l'entrainement serait intensif.

"Oui j'avais saisi. Si ils n'ont jamais besoin d'intervenir, alors ce sera relativement simple. Je pense qu'en quatre mois ils seront au point, mais dans ce cas là il faudrait mieux prendre de jeunes adultes. Des chiots ne vous seront d'aucune utilité sur le terrain."

Sel sembla vouloir participer à la conversation et quitta le lit d'Olga pour venir s'assoir entre ses genoux et se faire gratter les oreilles. La jeune femme passa les doigts de sa main droite dans son collier sans interrompre la conversation, lissant dans son autre main le moignon d'oreille du vieux corniaud albinos.

"Parfait. Je pensais justement à une race très spécifique: je n'en ai vu qu'une seule fois. Il s'agit du bloodhound. Contrairement à son nom, il est plutôt docile et possède le meilleur flair possible pour un chien. Si vous affirmez vouloir ce qu'il y a de mieux, c'est une portée de ceux là qu'il vous faut."

Olga laissa peser un petit silence pour imprimer le mot "bloodhound" dans l'esprit du pacificateur. Si il rechignait, elle lui présenterait des solutions de secours: Chiens de chasse, labradors ou autre. Mais il semblait déterminé et elle savait d'avance qu'elle obtiendrait les chiens qu'elle avait demandé. Elle n'avait en revanche pas la moindre idée d'où elle pourrait en trouver, mais si c'était Price qui se chargeait des recherches elle n'aurait qu'à attendre que ça se passe.

"Ça tombe sous le sens bien sûr. L'idéal serait que je mène ce dressage au district 8 avec les hommes qui auront la responsabilité des chiens, mais bien sûr l'entrainement peut se faire ici. Il me faudra dans ce cas la moitié de la somme que vous m'offrez, j'aurais besoin de louer un terrain et de l'aménager."

Hors rp:

Tu veux pas d'emmerdes ?

Après avoir annoncé qu’il lui fallait des chiots, la jeune femme se ravisa. J’étais pour le moins rassuré ; malgré son apparence un peu laxiste et son esprit clairement trop libre et impétueux à mon goût, elle semblait savoir parfaitement de quoi elle parlait.

« Oui j'avais saisi. S’ils n'ont jamais besoin d'intervenir, alors ce sera relativement simple. Je pense qu'en quatre mois ils seront au point, mais dans ce cas-là il faudrait mieux prendre de jeunes adultes. Des chiots ne vous seront d'aucune utilité sur le terrain. »

J’acquiesçai à chaque information qu’elle voulait bien me donner. Même en tant que non connaisseur, je m’étais douté que si je voulais des chiots, il faudrait davantage de temps pour les entraîner.

« Allons-y pour de jeunes adultes alors. Quatre mois d'entraînement, ça me semble raisonnable. »

Elle me détailla ensuite la race de chien qu’elle souhaitait trouver. Je ne connaissais pas du tout les races, mais je savais qu’au District 2, ils avaient des chiens entrainés pour les missions très délicates. Je n’aurais aucun mal à trouver des renseignements auprès de mes supérieurs et collègues pour savoir où on pouvait se procurer ce genre de bêtes.

« Si vous affirmez vouloir ce qu'il y a de mieux, c'est une portée de ceux-là qu'il vous faut. »

Je souris à sa remarque, visiblement faite pour me pousser par orgueil ou zèle à lui obtenir ce qu’elle désirait.

« Ce qu’il y a de mieux, c’est en effet ce que j’ai dit. Je ne pense pas avoir de soucis à en trouver. Quand vous dites jeunes adultes, vous pensez à quel âge exactement ? »

Je lui détaillais ensuite ce que j’attendais d’elle ; en dehors du dressage, la formation de mes hommes à s’en servir. Les animaux me seraient bien inutiles si je ne savais comment m’en faire obéir.

« Ça tombe sous le sens bien sûr. L'idéal serait que je mène ce dressage au district 8 avec les hommes qui auront la responsabilité des chiens, mais bien sûr l'entrainement peut se faire ici. Il me faudra dans ce cas la moitié de la somme que vous m'offrez, j'aurais besoin de louer un terrain et de l'aménager. »

Je réfléchi un instant. Si les gens savaient que nous entrainions des chiens de sang, cela nous priverait de l’effet de surprises ; les hommes que nous traquions feraient profil bas un moment ou pire, ils apprendraient à cacher leur traces et odeurs afin de ne pas se faire détecter par les chiens. De plus, si tout se passait correctement, on pourrait sans doute appliquer ce système à d’autres districts … Il serait alors peu pratique que le terrain d’entrainement soit au district 8.

« Il serait plus simple de le faire ici. Vous pourrez ainsi avoir le terrain à disposition s’il nous en faut davantage par la suite, et si votre dressage est efficace je pourrais faire passer le mot aux pacificateurs des autres districts. »

J’essayais de rendre la perspective attractive pour elle qui avait l’air de mourir d’envie d’avoir sa propre affaire. Avoir le terrain d’entraînement serait sans doute un bon début … Oh, n’allez pas croire que je me suis acheté un cœur, j’étais simplement pragmatique ; nous n’en étions encore qu’à l’étape pilote. Je ne voulais pas vendre la peau de l’ours sous prétexte que cette jeune femme prétendait être capable de me fournir ce que je voulais. Avant de proposer le système à mes collègues, je voulais être certain de son efficacité ; l’échec ne faisait pas partie de mon vocabulaire.

« Vous n’aurez affaire qu’à moi au départ. Considérez-moi comme votre cobaye. Vous entrainerez deux ou trois chiens, et je viendrai au 8 me former à leur utilisation et faire des essais. Si cela s’avère concluent, nous pourrons faire une commande plus importante et envisager de former d’autres collègues à leur utilisation. »

Je me levai de ma « chaise » improvisée et baissai les yeux vers elle.

« Je prendrais contact avec vous dès que je saurais où trouver les chiens. Je vous verserez le début à ce moment-là. Est-il important que vous veniez les choisir ou puis-je simplement vous en rapporter le compte ici ? »

Le pacificateur eut l'air de lui faire confiance sur son choix de race, restait juste à en trouver dans la bonne tranche d'age mais ce n'était plus le boulot d'Olga. Toutefois, elle espérait que ça irait assez vite, elle avait hâte d'envoyer paitre son employeur faussement paternaliste et vraiment psychorigide. Quand au temps d'entrainement des chiens, il convenait à Twysden, ainsi elle n'aurait pas à se presser et à imposer un rythme intensif qui pourrait dégouter les bêtes.
Il semblait confiant pour ce qui était de trouver les chiens, mais restait la tranche d'age qu'elle devait lui indiquer.

"A partir de huit mois et jusqu'à un an et demi. Comme ça ils auront à peu près leur taille adulte à leur arrivée sur le terrain et auront une bonne capacité d'apprentissage pendant l'entrainement."

Ce serait moins ancré dans leurs réflexes mais ils s’acquitteraient tout de même très bien de leur travail. Leur flair était tel qu'ils ne pouvaient quasiment pas faire autrement. Travailler avec des chiens pareils serait impressionnants: Olga mourrait d'envie de voir leurs capacités sur le terrain. Et si elle réussissait à fournir un travail satisfaisant et qu'il faisait passer le mot à ses collègues, elle aurait souvent l'occasion de travailler avec, voir de former d'autres types de chiens et si elle réussissait à manœuvrer la chose, faire naitre les chiots avec lesquels elle travaillerait.

Olga écouta les dernières instructions avec intérêt puis se leva pour reconduire Twysden à la porte. Pour le moment elle n'avait donc besoin que d'attendre, et vu que les chiens étaient attendus rapidement, cela ne devrait pas tarder. En attendant elle pourrait toujours aller repérer discrètement les terrains intéressants qu'on serait susceptible de lui céder et chercher plus d'informations sur le dressage de ce type de chiens précis. Bref, le travail ne manquerait pas.

"Ce n'est pas absolument nécessaire. Si c'est vous qui vous en occupez, choisissez les chiens qui viennent immédiatement vers vous, qui jouent bien et qui on l'air sensible à votre voix quand vous parlez."

Tu veux pas d'emmerdes ?

Le pacificateur eut l'air de lui faire confiance sur son choix de race, restait juste à en trouver dans la bonne tranche d'age mais ce n'était plus le boulot d'Olga. Toutefois, elle espérait que ça irait assez vite, elle avait hâte d'envoyer paitre son employeur faussement paternaliste et vraiment psychorigide. Quand au temps d'entrainement des chiens, il convenait à Twysden, ainsi elle n'aurait pas à se presser et à imposer un rythme intensif qui pourrait dégouter les bêtes.

Il semblait confiant pour ce qui était de trouver les chiens, mais restait la tranche d'age qu'elle devait lui indiquer.
La jeune femme me reconduisit jusque la porte. J’avais tout ce que je voulais pour aujourd’hui. Je n’aurais qu’à revenir la voir dès que j’aurais l’argent. Restait à savoir si je pouvais lui ramener les chiens en même temps ou si elle voudrait venir les chercher avec moi. De mémoire, j’avais deux options pour trouver les chiens ; chercher dans les sympathisants du Capitole au D5, ou demander une faveur pour aller les chercher au D2, là où étaient entrainés les chiens des soldats du Capitole. Mais cela signifierait parler de ses plans avant de savoir s’ils allaient fonctionner ; et ça il ne voulait pas.

« Ce n'est pas absolument nécessaire. Si c'est vous qui vous en occupez, choisissez les chiens qui viennent immédiatement vers vous, qui jouent bien et qui ont l'air sensible à votre voix quand vous parlez. »

J’acquiesçais sans trop écouter ; je n’allais pas les choisir. Je voulais être sûr de mon coup et maintenant qu’il était clair que je les choisirais au 10, j’allais l’emmener avec moi. Je lui lançai un coup d’œil. J’allais devoir discuter avec mes collègues du dix qui connaissaient le district mieux que moi et sauraient surement où je trouverais ces fameux « bloodmachin ». J’allais donc me rendre immédiatement au QG, à mon plus grand regret. J’aurais bien cherché à découvrir si les talents de dresseuses de la demoiselle pouvaient s’avérer divertissantes dans lit. Ça n’était que partie remise.

« Je vous laisse, je serais de retour d’ici deux ou trois jours pour aller chercher les animaux, je vous emmènerais avec moi. »

J’allais passer la porte, mais je me ravisais. Si je devais me promener avec elle dans le district, il y avait une chose que je voulais mettre au clair avant de partir.

« Une dernière chose. Je vous conseille fortement de vous débarrasser de ce genre de choses si vous voulez avoir un contrat durable. »

Je désignais les cigarettes du menton.

« Je crois trop en notre système pour engager une hors la loi pour m’aider à en traquer d’autres … Aussi charmante soit-elle. »

Je la gratifiai d’un clin d’œil avant de tourner les talons. J’allais de ce pas me rendre chez les pacificateurs de ce district. Ce projet allait nous aider, j’en étais persuadé. Et j’allais me lancer dedans à corps perdu jusqu’à ce qu’il aboutisse. Rien n’était plus important que de faire respecter la loi à Panem, rien.